LES « CASSINI » ASTRONOMES ET GÉOGRAPHES À FRANCONVILLE
Quatre générations de Cassini
Parmi les personnages de marque ayant habité Franconville - notamment Michel Velut de la Crosnière, le comte de Tressan, Benjamin Franklin, Antoine-Alexis Cadet de Vaux1, le comte d’Albon2 - se trouve la célèbre famille des Cassini.
L’origine de cette famille d’astronomes et de géodésiens français est italienne. À la demande de Louis XIV, Colbert fait venir Jean-Dominique, dit Cassini Ier (Perinaldo, comté de Nice 1625-Paris 1712), déjà célèbre astronome, qui professe tout d’abord en Italie, puis vient en France, où il se fait naturaliser. Louis XIV lui confie la direction de l’Observatoire de Paris, qu’il vient de fonder en 1672.
Cassini est un excellent observateur, dont les travaux n’ont pas toujours été appréciés à leur juste valeur. On lui doit de nombreux mémoires et études sur les planètes Vénus, Mars et Jupiter, la découverte de deux satellites de Saturne, etc. (Académie des Sciences, 1669).
La nature même de ses recherches l’amène à parcourir la France et le Bassin Parisien en particulier. Il est à l’origine des travaux sur la mesure du méridien, autrement plus précise que celle de Willebrord Snell van Royen, dit Willebrordus Snellius (Leyde 1580 ou 1591-id. 1626)3.
Dans ce but, il se rend à Sannois et à Franconville.
Pendant ses séjours dans notre région, il réside à l’hôtel appelé Maison Rouge situé au carrefour de la Croix Rouge. Son point d’observation est le moulin de Sannois, au Mont-Rouillet4 et la « montagne » de Franconville-la-Garenne qui n’est autre que la butte de Cormeilles-en-Parisis.
L’abbé Lebeuf5 nous précise :
« Le Montrouillet est aussi à moitié sur la Paroisse de Ceannoy (sic), et [pour] l’autre moitié de celle d’Argentueil (sic). Le moulin est de Ceannoy. Il est fort renommé dans les observations faites par M. Cassini pour la formation de sa Carte par triangles. On a de-là une des plus belles vues qui soient aux environs de Paris. »
Il commence le relevé de la carte de France en 181 feuilles, dont 179 seront publiées.
Son fils Jacques, dit Cassini II (Paris 1677 - Thury, Beauvaisis, 1756), membre de la Royal Society, s’attache principalement aux recherches relatives à la figure de la Terre (Académie des Sciences, 1699).
Mais la consécration de ce travail est attribuée à son petit-fils, César-François Cassini de Thury, dit Cassini III (Thury 1714 - Paris 1784), seigneur de Villetaneuse, conseiller du roi, maître des requêtes et le premier des Cassini à porter le titre de Directeur de l’Observatoire de Paris. Il est adjoint à La Caille pour la vérification de la méridienne de France, et publie en 1744 les résultats de ses travaux. Lors de la campagne de Fontenoy, il lève la carte des pays occupés et présente en 1747 son travail au roi, qui le charge de lever, à l’échelle d’une ligne pour 100 toises (1 : 86 400e), la carte du royaume6. Cette entreprise est terminée en 1789 par Capitaine. La carte de France dite « de Cassini » devait servir de modèle à la carte d’état-major. Cassini a été directeur de l’Observatoire de Paris (Académie des Sciences, 1735).
Continuant les travaux de son aïeul, il vient lui aussi à Franconville. Séduit par la douceur du climat et la beauté du paysage, il fait construire en 1770 un pavillon carré, de taille modeste pour l’époque avec cour, jardins et dépendances (cette propriété sera acquise par le comte d’Albon le 14 février 1781). La particularité de cette demeure est d’avoir un toit en terrasse, à la façon italienne. Ses travaux l’absorbant beaucoup, il ne fait à Franconville que de courts séjours.
César François Cassini a eu de sa femme, Charlotte de Vendeuil, une fille Françoise-Elisabeth, qui choisit l’église Sainte-Madeleine de Franconville pour la célébration de son mariage le 23 avril 1776 avec Louis Henri de Riencourt, chevalier, seigneur de Lignières en Amiénois. Parmi les témoins, figurent le comte de Tressan, alors lieutenant général, et Claude-Thomas d’Eastel, ancien officier au régiment de Flandre, habitant aussi le pays7.
Le fils de César, Dominique, comte de Cassini, dit Cassini IV (Paris 1748 - Thury-sous-Clermont, Oise, 1845), termine la grande carte de France. Il remplace son père comme directeur de l’Observatoire de Paris (Académie des Sciences, 1770)8.
César-François Cassini de Thury, dit Cassini III, est également à l’origine de la Société Topographique de France fondée en 1776 à la suite du premier Congrès international de géographie autour du thème : « Voir – Observer – Noter », avec le Traité de la figure de la terre. Parmi les nombreux ouvrages qu’il a publiés, on peut encore citer la Description géométrique de la France en 1783 et un Atlas, intéressant pour les Parisiens, des environs de Paris, puis ses souvenirs de la Campagne de Flandre et de Belgique.
En effet, comme nous l’avons vu, il rejoint Louis XV et le Maréchal de Saxe à Fontenoy, pour lever la topographie des champs de bataille au fur et à mesure de l’avancée des troupes. L’Académie des Sciences connaîtra donc pendant cent-cinquante ans quatre générations de Cassini9.
La carte géométrique de la France dite « Carte de Cassini » ou « de l’Académie » à l’échelle d’une ligne pour 100 toises (environ 1/86 400e), dressée par ordre du roi Louis XV, la « carte de Cassini » est la plus ancienne des cartes de la France entière à l’échelle topographique.
Elle est aussi la première dans le monde qui ait été établie en s’appuyant sur une triangulation géodésique. Celle-ci a été mesurée par Cassini de Thury, de l’Académie Royale des Sciences de 1683 à 1744. Les travaux sur le terrain et la gravure de la carte sur cuivre entrepris en 1750 n’ont été terminés qu’en 1815. De nombreuses additions ou corrections portant essentiellement sur les voies de communication ont été apportées aux planches de gravure entre 1798 et 1812.
Malgré certaines imperfections (planimétrie incomplète, nivellement sommaire et imparfait) la « carte de Cassini » est une œuvre remarquable qui a rendu de grands services et a été utilisée jusqu’au milieu du XIXe siècle. Ceux qui sont curieux de l’histoire de leur terroir y trouveront d’intéressants renseignements sur l’évolution de la toponymie et des voies de communication10.
Gérard Ducoeur,
juillet 2009.
BIBLIOGRAPHIE
Barbier (E.), Delaplace (J.), Riboulleau (C.), Sacchi (C.), Turgis (G.), Un village nommé Sannois, Valhermeil, 1992.
Bertin (H.), (sous la dir.), En passant par … Franconville-la-Garenne, Maury, 1986, p. 115-117.
Lebeuf (abbé J.), Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, Paris, t.2, 1758, ré-éd.1883, p. 45.
Mataigne (H.), Cassini et le comte d’Albon, in Histoire de Franconville-la-Garenne depuis le IXe siècle, Imp. L. Paris, SHAP-VOV, Pontoise, 1927, 403 p., en particulier p. 224-225.
Vaquier (A.), Si Franconville m’était conté, In memoriam André Vaquier, in Bull. SHAP-VOV, n° 23, 1977, p. 9-26.
Publié sur le site de Valmorency (Association pour la promotion de l’histoire et du patrimoine de la Vallée de Montmorency) : www.valmorency.fr
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1 Cf. notre article « Un philanthrope méconnu Cadet de Vaux (1743-1828) à Franconville. »
2 Cf. notre article « Parcs et jardins en vallée de Montmorency ».
3 W. Snellius est surtout connu pour avoir le premier introduit la méthode de triangulation, qu’il substitue aux méthodes directes des Anciens dans la mesure des arcs de méridien : il détermine ainsi en 1615 la longueur d’un arc de 1° 11’ entre Alkmar et Bergen-op-Zoom et trouve 551 000 toises pour la valeur du degré. Il est également le premier à découvrir en 1620 la loi de la réfraction de la lumière, dont il donne, dans un ouvrage resté inédit, une démonstration et une expression plus compliquées que celles de Descartes, in Collectif, Grand Larousse encyclopédique, édition Prestige, t. 18, Larousse, Paris, 1970.
4 Cf. notre article « Le moulin de Sannois - La colline du Mont-Rouillet ».
5 Lebeuf (abbé J.), Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, Paris, t. 2, 1758, ré-éd.1883, article Sannoy p. 39-45, en particulier le Montrouillet, p. 45.
6 Ces cartes dites de Cassini sont toujours utilisées par les géographes et les historiens. Pour la région de Montmorency, cf. la feuille n° 1- Paris.
7 Mataigne (H.), Cassini et le comte d’Albon, in Histoire de Franconville-la-Garenne depuis le IXe siècle, Imp. L. Paris, SHAPVOV, Pontoise, 1927, in-8°, 403 p., en particulier p. 224-225.
8 Collectif, Grand Larousse encyclopédique, édition Prestige, t. 4, Larousse, Paris, 1970.
9 Bertin (H.), (sous la dir.), En passant par … Franconville-la-Garenne, Maury, 1986, p. 115-117.
10 Cf. Catalogue Cartes anciennes, IGN, Les chemins de la découverte, Paris 2008. Elles sont disponibles en offset ou en taille douce sur commande à l’Espace IGN, 107 rue de la Boétie 75008 Paris.