AUDINOT, ERMONTOIS DEVENU SANNOISIEN,

CRÉATEUR DE L’AMBIGU-COMIQUE


Le comédien et entrepreneur de spectacles Nicolas Audinot (1732-1801) a illustré les communes d’Ermont et de Sannois pour avoir acquis et habité plusieurs propriétés, dont l’une est à cheval sur les deux communes. Il est surtout connu pour avoir fondé un théâtre « de boulevard », l’Ambigu-Comique, à l’époque où la vie culturelle parisienne était dominée par les grands établissements officiels qu’étaient l’Opéra et la Comédie Italienne.


Un Lorrain qui « monte à Paris »

Nicolas Médard Audinot naît le 7 juin 1732 à Bourmont en Bassigny (actuellement Haute-Marne), de Pierre Audinot (orthographié Odinot sur l’acte de baptême de Nicolas, le 8 juin), chantre à la collégiale Saint-Florentin et d’Agnès Laboureau (orthographiée Labourot). Sa famille est pauvre. Nicolas garde les vaches quand il est jeune. Depuis sa plus tendre enfance, il aime la musique. En 1755, il se rend à Nancy et reste environ six mois attaché au concert de cette ville.

François-Marie Mayeur, dans son pamphlet Le chroniqueur désoeuvré, brosse de lui le portrait suivant :

« Audinot, né en Lorraine de parents pauvres, gardait les vaches de ses voisins pour se faire un petit revenu avec lequel il subsistait, ainsi que ses parents qui cultivaient quelque peu de terre. Mais las de faire un tel métier, & ayant entendu dire aux vieilles du voisinage qu'on ne faisait jamais fortune dans son pays, proverbe qui s'effectua pour lui par la suite, il partit un beau matin de Lorraine, ses sabots aux pieds, une paire de souliers dans la poche d'une grande veste de bure, la tête cachée sous un épais bonnet de laine, un mauvais chapeau par-dessus, à la main une gaule qui, appuyée sur son épaule, soutenait un paquet de quelques chemises de toile grise. Il avait alors ce teint frais & vermeille qu'ont nos villageois ; gras, bien portant, un peu hâlé, à la vérité, mais malgré cela d'une figure assez revenante »1.

Pendant son séjour, Nicolas fait la connaissance de Françoise Cailloux, dite Cateau, de sept ans son aînée (elle est baptisée le 10 juin 1725), dont il devient l’amant. Elle vient de quitter son mari Richard Calame, dit La Prairie, architecte à Nancy, un homme brutal et ivrogne selon ses dires2, et elle vit avec ses trois enfants dans un appartement donnant sur la Place d’Armes. Les deux amants projettent de partir pour Paris. Ils n’ont aucun bien, l’un comme l’autre. Nicolas remet à Françoise une grande partie des 600 francs qu’il a touchés comme appointements. Elle part pour la capitale fin 1755 ou début 1756, laissant ses enfants à sa famille3. Elle descend à l’hôtel de Picardie, rue Françoise, vis-à-vis de la Comédie-Italienne.

Quinze jours plus tard, Nicolas part à son tour pour Paris, où il descend chez un de ses frères, Jean, maître perruquier, époux de Catherine Martin, au Faubourg Saint-Honoré. Il exerce lui-même le métier de perruquier pendant quelque temps. Il trouve à s’engager au concert du duc de Grammont. Il revoit régulièrement Françoise qui, voulant camoufler son statut de femme mariée, se fait appeler Françoise Dubois, et plus tard Mme Audinot. Cette dernière accouche d’une première fille, Marie-Françoise, baptisée le 8 octobre 1756 à l’Hôtel-Dieu comme fille légitime de Nicolas Audinot et de Françoise Dubois (elle mourra dix jours plus tard). Lui, se trouve en tournée au Hâvre-de-Grâce (Le Havre). Elle le rejoint après son rétablissement et ils restent quelque temps dans cette ville. Par la suite, ils courent ensemble les comédies dans les provinces françaises.

Ils s’installent ensuite à Versailles où Françoise accouche en décembre 1757, d’une seconde fille, Cécile (baptisée le 13, qui mourra le 17 juin 1758). Ils se fixent enfin à Paris, rue des Boucheries, faubourg Saint-Germain, paroisse Saint-Sulpice, où Mme Audinot accouche le 19 mars 1759 d’une troisième fille, Josèphe-Eulalie, baptisée le lendemain en l’église Saint-Sulpice. Le père est présent. Nous retrouverons cette enfant quelques années plus tard.


Les débuts de comédien

Un acteur de l'ancien Opéra-Comique, qui lui trouve de la voix, le met en état d'apprendre un rôle, et d'y débuter, vers l'année 1758. Il est assez mal accueilli au début, mais on s'accoutume à le voir. Il est reçu pour y jouer les paysans et les rôles dits à tablier. Il y crée ceux de Blaise le savetier, d’Omar dans le Cadi dupe, de Marcel dans le Maréchal ferrant. Le 28 septembre 1761, il donne à la foire Saint-Laurent le Tonnelier, opéra comique en un acte, mêlé d’ariettes, dont on lui attribue les paroles et la musique et où il joue le rôle de Martin. Cette oeuvre n’a pas de succès : Audinot est sifflé dès la deuxième représentation et le spectacle est retiré de l’affiche. Le librettiste François-Antoine Quétant4 lui apporte des améliorations considérables, qui la transforment complètement. Le nouveau Tonnelier, joué en 1765, sera alors goûté du public, et restera au répertoire du théâtre.

Lorsque, en janvier 1762, l'Opéra-Comique est réuni à la Comédie-Italienne5, Audinot réussit à faire partie des cinq ou six acteurs qui sont conservés dans la troupe. Bachaumont déclare dans ses Mémoires : « Le robuste Audinot rend au naturel la grossièreté des moeurs du peuple »6.

Louis-François-Joseph de Bourbon, prince de Conti, l'ayant pris en amitié et à son service, il quitte la Comédie italienne au bout de trois mois en 1763, et joue dans la troupe de Versailles, à l'Isle-Adam (dans le château du prince de Conti) et à Bordeaux. La nécessité d'avoir un acteur pour doubler Caillot fait rappeler Audinot sur la scène italienne, le 3 janvier 1764. Il y reçoit un bon accueil et joue Blaise le Savetier, le Maréchal, le Diable à quatre.

Les débuts de comédien d’Audinot sont donc plutôt bons. Mais ses prétentions exagérées le font congédier trois ans après, en 1767. Il s’estime victime d’une injustice (d’un « passe-droit »). Il dirige alors, pendant deux ans, le théâtre de Versailles, avec un certain succès. Il n’hésite pas à faire jouer sa fille Josèphe-Eulalie qui, à six ans, fait les délices du public :

« 3 août 1767. La fête que M. le chevalier d'Arcq a donnée aujourd'hui à madame la comtesse de Langeac, était destinée pour le jour de la Magdeleine, patronne de cette dame […]

L'opéra-comique qui a succédé était intitulé : le Bouquet, pièce toute nouvelle, mêlée d'ariettes, dont Audinot est le prête-nom, mais de plusieurs auteurs en société. La musique, très agréable, est aussi un mélange de différents compositeurs. Audinot y a joué, ainsi que Clairval, mademoiselle Mandeville. Et mademoiselle Dubricule, quoique de l'Opéra, n'a point cru dégrader la noblesse de son état, en se mêlant avec des acteurs d'un spectacle du second ordre. Ce qui a enchanté et ravi dans ce drame, est la fille d'Audinot, âgée de six ans. Elle a déclamé, elle a chanté, touché du clavecin, dansé un menuet et des entrées, et a reçu des applaudissements dans tous les genres. C'est un prodige de la nature, encore plus que de l'art »7.


L’origine de l’Ambigu-Comique

Avant d’évoquer la carrière d’Audinot en tant qu’entrepreneur de spectacles, il convient de rappeler le contexte théâtral en France à cette époque. Depuis la lettre de cachet du 21 octobre 1680 signée par Louis XIV, qui a instauré un système de privilèges en faveur des théâtres officiels, ces derniers ont le pouvoir exorbitant de faire interdire ou de limiter la portée de toute pièce qui leur porte ombrage. C’est ainsi que les productions des théâtres de foire ou de boulevard, sont soumises à la censure de la Comédie Française, de l’Opéra, et de la Comédie Italienne, en lien avec le lieutenant général de police, M. de Sartines8. Ce système sera supprimé par décret de l’Assemblée nationale du 15 janvier 1791.

« Une chose que l'on aura peine à croire, c'est que les spectacles forains, toujours persécutés par les grands théâtres, jouissaient de beaucoup de liberté, et poussaient même la licence aussi loin que possible, mais pourvu qu'ils n'empiétassent jamais sur les privilèges des théâtres royaux. Ce que l'on voulait avant tout, c'était que leurs ouvrages ne ressemblassent en rien à une oeuvre dramatique, qu'ils n'eussent ni plan, ni conduite, ni style. Quant à la morale, on s'en riait... Périssent les moeurs, plutôt qu'un principe dramatique »9.

En 1768, les trois grands spectacles de Paris se coalisent contre Audinot, sous prétexte de maintenir leurs privilèges respectifs : l'Opéra lui interdit le chant, les danses et un orchestre, les Comédiens français lui défendent la déclamation, et la Comédie-Italienne lui prohibe les ariettes et les vaudevilles. Autant dire, qu’il ne lui reste pratiquement plus de moyens pour s’exprimer. Et pourtant Audinot va réussir un véritable prodige : avec les fonds que lui avance le prince de Conti, et les secours d’Arnauld, il a l’idée originale d’établir à la foire de Saint-Germain, en février 1769, un spectacle de marionnettes, où il fait jouer une pantomime intitulée les Comédiens de bois, qui attire tout Paris et qui fait irrésistiblement penser aux Guignols de l’Info d’aujourd’hui. Le comédien chassé de la Comédie-Italienne tient sa vengeance : chacune de ses bamboches est la caricature parfaite de l'un des principaux acteurs et actrices du théâtre qui l’a congédié. Le gentilhomme de la chambre, distribuant des grâces, est représenté par Polichinelle. Le succès est assuré.

Fort de cette expérience réussie et juteuse, il décide de transférer sur Paris son spectacle de marionnettes, accompagné de petits ballets d'enfants. Il fait construire sur les boulevards, une petite salle, dont l'ouverture a lieu le 9 juillet 1769. La foule continue de s'y porter. Les succès d'Audinot lui suscitent même un rival qui, dès le mois d'octobre, établit près du Louvre une nouvelle salle, où il ose parodier le grand parodiste des autres théâtres. Mais ce spectacle fait long feu. Audinot, craignant pour le sien le même sort, obtient la permission de substituer à ses acteurs de bois une troupe de petits enfants, qu'il forme à la danse et la comédie, et qui par leurs grâces naïves ne pourront pas manquer d'intéresser le public.

Pour ce faire, il s’installe dans une nouvelle salle, aux nos 74 et 76 du Boulevard du Temple. Il lui donne le nom d'Ambigu-Comique et met sur le rideau d'avant-scène ce calembour latin : Sicut infantes audi nos (Comme des enfants, écoute nous). Des annonces sont distribuées à tous les passants pour exciter leur curiosité. Deux auteurs licenciés comme lui du Théâtre-Italien, Moline et Pleinchêne, lui consacrent le fruit de leurs veilles.







Le théâtre ouvre en avril 1770. Les enfants jouent des comédies en prose et en vers, des farces, des pantomimes, des danses gracieuses. Leurs premiers spectacles, qu’on appellera bientôt des ambigu-comiques, sont la pantomime Acis et Galathée, ainsi que des pièces de marionnettes : le Testament de Polichinelle, Le retour Polichinelle de l'autre monde. Ils jouent aussi La Fontaine merveilleuse, Robinson Crusoé, etc. Toutes ces pièces sont écrites par Arnould, vaudevilliste infatigable, que s'associera plus tard Audinot.

« Comme les scènes épisodiques et les petites comédies que ses deux auteurs lui donnèrent, grâce à la jalouse susceptibilité des grands spectacles, contenaient plus de gravelures que de morale, les filles s'y portaient en foule, et y attiraient les oisifs, les provinciaux et les libertins. Les femmes de la cour même ne dédaignaient pas de s'y montrer. Les succès de l'entrepreneur surpassèrent bientôt ceux qu'avait naguère obtenus le singe de Nicolet. Audinot donnait aussi des pantomimes historiques et romanesques de sa composition, genre de pièce peu connu alors dans la capitale, et des ballets arrangés par Ferrère »10.

Tout Paris s'y donne rendez-vous, et l'abbé Delille pourra dire du spectacle : « Chez Audinot, l'enfance attire la vieillesse ».

La vogue dont bénéficient les spectacles d’Audinot éveille d’autant plus la jalousie que les théâtres officiels sont désertés. Les administrateurs de l’Opéra parviennent à obtenir, en novembre 1771, un arrêt du Conseil réduisant les productions de l'Ambigu-Comique à un spectacle de dernière classe. À nouveau, la plus grande partie de son orchestre lui est retranché, on lui interdit les danses, etc. Cet arrêt provoque un tollé. Quelques jours plus tard, il est convenu que le théâtre d'Audinot recouvrera tout ce qu'on lui a enlevé, à condition de payer une contribution de 12 000 livres à l'Opéra. C'est exactement le but recherché par les administrateurs.

Le succès de l'Ambigu-Comique est tel qu'en 1772, Audinot est amené à agrandir la salle. Les marionnettes y paraissent pour la dernière fois dans le Testament de Polichinelle.


La consécration royale

Une invitation intéressante va contribuer à rehausser la réputation du théâtre de boulevard : Madame Du Barry, pour égayer Louis XV dévoré par l'ennui, fait venir, au mois d'avril 1772, la troupe d'Audinot à Choisy, où ses acteurs enfants jouent devant le roi les pièces suivantes : II n'y a plus d'enfants, écrite par Nougaret, un auteur comique de l'époque ; la Guinguette, pièce de Pleinchêne, dont la verve inépuisable alimente tous les théâtres du boulevard, et enfin le Chat botté, grande pantomime d'Arnould, avec des ballets de Laval, l'un des meilleurs chorégraphes du temps. En 1773, les Enfants de l'Ambigu-Comique vont encore jouer devant la Cour, à Montargis, lors du passage de la comtesse d'Artois, et représentent une petite pièce de Pleinchêne, portant sur mariage de la princesse.

En 1775, l'Écluse ayant établi le théâtre des Variétés Amusantes à côté de l'Ambigu, cette concurrence excite l'émulation d'Audinot. Il s'associe avec Arnould, perfectionne ses pantomimes.


Les tracasseries continuent

L’establishment théâtral, toujours jaloux du succès remporté par ce théâtre off, revient à la charge. Pour apaiser l’Académie Royale de musique (l'Opéra), Audinot s'engage, par une convention du 1er mai 1780, à lui payer 12 francs par représentation de jour et 6 francs pour chacune de celles de nuit, et à ne faire exécuter sur son théâtre aucun air de ballet ou d'opéra qui n'a pas au moins dix ans d'ancienneté. Quant aux deux autres spectacles, il convient avec les administrateurs qu'aucune pièce dialoguée ou chantante ne sera jouée à l'Ambigu sans avoir été dégradée ou décomposée par un comédien français ou italien. Cette censure maladroite tourne à l'avantage d'Audinot, car les ouvrages ainsi arrangés n’en deviennent que meilleurs.

D'autres charges pèsent encore sur l'entrepreneur : outre le quart des recettes prélevés pour les pauvres, il doit débourser 300 000 francs pour diverses salles qu'il a été obligé d’aménager depuis son premier établissement. Malgré ces vexations, il prospère de plus en plus. Il se dote même du confort le plus moderne, dont un ventilateur des spectacles, préconisé par Cadet-de-Vaux, alors inspecteur des objets de salubrité, car il fait dans ces théâtres une chaleur étouffante11. Toujours persécuté par l'Opéra, Audinot consent par un nouveau sacrifice, le 28 août 1784, à lui payer le dixième de chaque représentation, après déduction du quart pour les pauvres. On peut lire dans les registres de l'ancien Opéra, publiés par la revue Rétrospective, à l'article des redevances des divers spectacles forains, qu'Audinot paie à cette institution, en 1784, 36 livres par représentation. L'année suivante, cette rétribution est portée à la somme énorme de 30 000 livres par an.

Mais le 15 septembre l'administration de ce théâtre, retirant à Audinot et à Arnould le privilège de l'Ambigu-Comique, le cède, avec un bail de quinze ans à partir du 1er janvier 1785, aux sieurs Gaillard et Dorfeuille, fondateurs du théâtre des Variétés au Palais-Royal. Audinot fait sa clôture par les Adieux de l’Ambigu-Comique, de Gabiot de Salins, son souffleur. Cette pièce, où l'on remarque le vers : À l'or de l'intrigant, l'honnête homme vendu, fait sensation.

Il paraît à cette occasion une foule de mémoires qui amusent quelque temps la capitale. Nicolet, qui, se trouvant dans la même catégorie qu'Audinot, devrait faire cause commune avec lui, se joint à ses ennemis, et fait publier, par un auteur forain, Parisau, ci-devant répétiteur de l'Ambigu, un mémoire qu'on appelle le Coup de pied de l’âne.


Le rebond

Expulsé de son théâtre, Audinot en prend un au bois de Boulogne, où il fait exécuter le Barbier de Séville avec la musique de Paisiello, qui ne pourra être joué que plus tard à Paris, par suite des rivalités entre l'Académie Royale de musique et la Comédie-Italienne. Enfin, par l'entremise de M. de Sartines, Audinot et Arnould traitent, le 14 octobre 1785, avec les théâtres privilégiés pour la rétrocession de leur bail, et rouvrent l'Ambigu-Comique le 27 du même mois. Dans un prologue, l'Impromptu du moment, Gabiot exprime avec justesse la joie des acteurs de ce spectacle de se revoir sous leurs anciens directeurs, et la reconnaissance de ceux-ci pour le public, dont l'affluence les dédommage des tracasseries qu'ils ont éprouvées.

En 1786, ils font reconstruire entièrement leur salle dans la forme où elle restera jusqu'à l'incendie qui la consumera en 1827. Ils passent tout le temps de la reconstruction, tant aux foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent qu'aux salles des Variétés-Amusantes et des Élèves de l'Opéra. L'inauguration du nouveau théâtre se tient le 30 septembre 1786, par un prologue de Gabiot, l'Emménagement.

L'administration d'Audinot et Arnould continue de prospérer jusqu’en 1789. Elle ressent les contrecoups des événements, en raison de la multiplicité des théâtres que cette époque voit éclore, et du mauvais goût qui s'y introduit. Les enfants, qui ont formé la troupe de l'Ambigu-Comique dès l’origine, sont devenus des adultes. Plusieurs d’entre eux l’ont quitté, entre autres :

- Mayeur de Saint-Paul, acteur et auteur spirituel, qu'Audinot n'a pas su conserver,

- Rordier, qui, ayant passé aux Variétés du Palais-Royal, est allé se faire pendre à Rouen en 1789,

- Michot et Damas, qui se distinguent sur la scène française,

- La fameuse Julie Diancourt, qui jouait la pantomime avec tant d'âme et de vérité, et qui part pour Marseille en 1790, avec le danseur Bithraer,

- Enfin, mesdemoiselles Chevigny et Miller, célèbres danseuses de l'Opéra (surtout la seconde, plus connue sous le nom de madame Garde).

« L'Ambigu était regardé comme une pépinière de talents supérieurs. Il avait donné l'exemple de ce luxe de décors et de costumes qui depuis a plus contribué aux succès dramatiques que l'esprit des auteurs. Il avait le premier naturalisé la pantomime, genre auquel il devait principalement sa richesse, sa gloire, et l'honneur de réunir des spectateurs de meilleure compagnie. La Belle au bois donnant, les Quatre fils Aymon, Dorothée, le Vétéran, l'Héroïne américaine, le Baron de Trenck, le Capitaine Cook, le Masque de Fer, Hercule et Omphale, la Forêt Noire, et tant d'autres, lui formaient un abondant répertoire, que variaient agréablement de jolies comédies, telles que la Musicomanie, Frontin, le Quaker, la Matinée du Comédien de Persépolis, le Marchand d'espoir, les Deux Frères, l'Orgueilleuse, etc. Audinot avait conservé Talon et sa femme, acteurs pleins de naturel ; Magne-Saint-Aubin, auteur de pièces épisodiques, où il Jouait plusieurs rôles comiques. Il avait acquis Dorvigny, le père des Janot et d'une foule de proverbes dramatiques ; Thiémet, qui s'est rendu fameux par ses scènes de ventriloquie, etc »12.


Les dernières années

En 1795, les deux associés, Audinot et Arnould se séparent, et cèdent le restant de leur bail, d'environ cinq ans, à quelques-uns des acteurs de leur théâtre, dont Picandevin est le chef. Sous cette direction, l'Ambigu marche rapidement vers sa décadence, malgré la vogue momentanée qu'obtiennent les Diableries et deux pièces de Cuvelier, L’Enfant du Malheur, pantomime, et C'est le diable, ou la Bohémienne, pantomime dialoguée, ou premier mélodrame qui ait paru sur les boulevards. Les romans d'Anne Radcliffe ont en effet mis à la mode les spectres et les revenants. Le genre, le titre même de ces pièces « diaboliques », seront bientôt imités par les autres petits théâtres. L'Ambigu qui, pour soutenir la concurrence dans ce genre, a renoncé aux pièces comiques qui assuraient le succès du spectacle d'Audinot, achève de s'enfoncer, et est forcé de fermer vers la fin de 1799.

Le bail d'Audinot finit au 1er janvier 1800. Resté seul propriétaire de la salle, il la loue à une nouvelle administration, qui survit à peine quelques mois, bien qu’elle ait la bonne idée de revenir au genre comique. Enfin, un acteur qui s'est fait une grande réputation à la Gaîté par le rôle de madame Angot, Labenelte-Corsse, ancien directeur du théâtre des Variétés à Bordeaux, traite, la même année, de l'entreprise de l'Ambigu avec Audinot, peu de temps avant sa mort.


AUDINOT ERMONTOIS, PUIS SANNOISIEN


L’installation à Ermont

Le succès de son théâtre apporte à Audinot une grande aisance, malgré ses démêlés financiers avec les théâtres privilégiés, ce qui lui permet d’acheter le 19 janvier 1779 à la veuve de Martin Boucher de Saint-Martin13, Madeleine-Catherine Loisant, une grande propriété à Cernay, à la hauteur du numéro 1 de l’allée des Carreaux, appelée le Chef de ville, sur la paroisse d’Ermont14. En 1780, il est mentionné sur le rôle de la taille comme possesseur de « 19 arpents de terres closes, bâtiment et colombier », et il paie pour cela 62 livres de taille et 35 livres de capitation. Onze ans plus tard, en 1790, il est propriétaire de 16 arpents, dont deux loués à plusieurs et de cinq maisons de maître.

Il achète aussi un vaste quadrilatère bordant l’angle de la chaussée Jules-César et de la rue de Sannois (actuelle rue de Stalingrad), jusqu’à l’angle des rues de l’Abreuvoir (rue Maurice Berteaux) et Daniel, avec un parc et une vaste pièce d’eau « l’Étang d’Ermont » alimentée par le ru de la Fontaine, indiqués sur les plans du XVIIIe siècle15, le Clos Audinot16 appelé le fief d’Aussy17, dépendant de la seigneurie d’Eaubonne18 (censier de 1527), de 20 arpents, 32 perches ½ en 1782, qui incitera Audinot à donner à son fils Nicolas-Théodore le titre rutilant de « seigneur du fief d’Aussy » (ou Dauxy). Audinot, ayant l’esprit cabotin, n’hésite pas à se parer du titre de « seigneur d’Aussy ». Après la Révolution, ce fils portera le nom de Nicolas Audinot-d’Aussy (ou Daussy)19.



PLAN DU TERROIR D’ERMONT (fin XVIIIe siècle)

(Arch. nat. NI, Seine-et-Oise, n° 56)

André Vaquier, Le Terroir, in Ermont des origines à la Révolution française, SHAPV, 1965, pl. XXIII, p. 166.


Audinot habite ordinairement Paris, mais il vient fréquemment à Ermont, où il a son banc particulier dans l’église. Il se présente comme « ci-devant ordinaire de la musique de feu S.A.S Monseigneur le prince de Conti, demeurant à Paris, rue des Fossés-du-Temple » (rue Amelot), mais il signe Daussy sur les actes notariés.

Dès le 22 avril 1789, il revend sa propriété, appelée le Chef de ville, au sieur Jacques-Anne Denizet20, procureur au Châtelet de Paris, pour le prix de 60 000 livres « en espèces d’or et d’argent et non en billets ou effets royaux »21. Son successeur déclarera 33 arpents (11 ha), pour la taille de 1789. Audinot ayant la passion du spectacle, avait fait construire, à son goût, une nouvelle maison sur une partie des terres de sa propriété située aujourd’hui sur le territoire de Sannois et pour une faible partie sur celui d’Ermont (partie du lotissement Bernheim, rue des Bergeronnettes et rue des Chardonnerets)22.


La Révolution à Cernay

Lorsque la commune d’Ermont met en place sa garde nationale, les deux Audinot se font enrôler en 1790. Le 13 mai, le père, âgé de 58 ans, est nommé capitaine et le fils, qui n’a que 13 ans, devient porte-enseigne.

À l’occasion d’une délimitation de frontières entre Ermont et Sannois, la propriété Audinot passe presque en entier dans la commune voisine, ce qui rend la famille Audinot citoyenne de Sannois23. Ce changement purement administratif n’empêche pas le père et le fils de rester fidèlement attachés à la garde nationale d’Ermont. Le 25 mai 1792, Audinot est nommé capitaine de la 3ème Compagnie de la nouvelle formation intégrant les forces de Franconville et d’Ermont. Son fils est promu sous-lieutenant. Nicolas-Médard devient même commandant en chef de l’ensemble des trois compagnies le 22 juillet 1792, en remplacement du citoyen Pierre-Michel Broutin24, nommé chef de la Légion de Pontoise.

À ce titre, le commandant Audinot détient chez lui, réglementairement, le drapeau de la garde nationale. Tout se passe bien pendant quelque temps, jusqu’au jour où les habitants de Sannois finissent par s’étonner que le drapeau de la garde nationale d’Ermont et de Franconville soit déposé chez un citoyen de leur commune. L’incident est réglé par le dépôt du drapeau chez le citoyen Denizet, capitaine, voisin limitrophe d’Audinot, sur Ermont25.


La retraite sannoisienne et le château du Petit Cernay

Nicolas-Médard, vieilli, désenchanté et appauvri passe de plus en plus son temps dans sa propriété de Cernay (sur Sannois), vivant dans le souvenir de sa gloire passée. Il fait installer dans son jardin, en trompe-l’œil, des décors pour se donner encore à lui-même et à ses visiteurs l’illusion du théâtre. Charles Lefeuve rapporte l’histoire en ces termes :

« Il avait déjà établi une faisanderie, un temple antique et d'autres décorations dans son jardin, qui n'était pas d'une étendue considérable. Se souvenant de son ancien état, il eut l'idée de l'agrandir outre mesure en faisant peindre à la brosse, sur des toiles, tout ce qui lui restait à désirer cascades, rochers, pagodes, la mer, etc.

Chaque fois qu'il recevait la visite d'un de ses auteurs, auteurs de sa petite fortune, il l'entraînait après souper et il lui faisait faire le tour de son parc aux flambeaux. Ce pauvre diable s'en allait persuadé, grâce à l'illusion des décors et au mérite particulier d'une cave qui n'était pas du tout une illusion, que ses pièces avaient rapporté toutes les richesses du Pérou à son orgueilleux directeur »26.

Audinot meurt le 21 mai 1801.

Les matrices d’impôts de Sannois nous apprennent que les impositions foncières au nom de Nicolas Audinot27 ont été inscrites en 1833 au nom de « Magendie François, docteur, membre de l’Institut à Paris ». Quelques années auparavant, en effet, la veuve de Nicolas-Théodore Audinot, mort en 1826, Henriette-Bastienne de Puisaye, a épousé François Magendie28, médecin de son défunt mari. C’est ainsi que l’illustre savant devient sannoisien, car le fils Audinot possédait à Sannois, au lieu-dit Le Petit Cernay, une belle propriété dont la topographie nous est connue par la consultation du cadastre napoléonien de 182029.

Ce domaine se trouvait à l’emplacement des actuelles rue Magendie et avenue du Château. Il s’étendait vers le nord jusqu’à la limite d’Ermont. Actuellement, le seul souvenir encore visible de ce château est bien modeste : à l’angle de la rue de Cernay et de la rue Magendie, on peut voir l’entrée de la propriété. Ce site nous apparaît également par le témoignage de cartes postales anciennes et aussi par celui d’un tableau d’Utrillo. Au-delà de cette entrée, maintenant assez dégradée, se trouvaient, comme le montre le plan cadastral, un château et plusieurs dépendances, un hangar, une serre, une volière, et plusieurs jardins potagers.


UNE VIE FAMILIALE COMPLEXE

Audinot vit avec Françoise Caillaux jusqu’en 1768, date à laquelle le couple, après le décès de Richard Calame, envisage de se marier. Dans un premier temps, Audinot fait venir de Nancy les papiers nécessaires. Puis, il se rétracte et se retrouve seul, car Françoise le quitte en 1769, avec Eulalie et reprend le nom de Laprairie. Mais l’enfant rejoint son père quelque temps plus tard. Après quelques mois passés encore sur les planches, elle recevra une éducation correcte dans un couvent30.

Le mariage avec Jeannette

Aux environs de 1772, Audinot séduit l’épouse de Louis-Marie Jouglas, garde des maréchaux de France, demeurant à Paris, rue du Bouloi, paroisse Saint-Eustache, pendant l’absence de ce dernier, en mission en Corse. Il s’enfuit avec la fille de la maison, Marie-Jeanne, âgée de 14 ans, dite Jeannette. De retour chez lui, M. Jouglas obtient du juge de placer sa fille au couvent. Audinot plaide sa bonne foi et donne l’assurance qu’il désire épouser la jeune fille. Le père se laisse convaincre et ramène sa fille chez lui. Mais Audinot continue à revoir celle-ci en cachette. Cette situation dure quatre ans, et finit par excéder M. Jouglas au point que le samedi 20 janvier 1776, il dépose une nouvelle plainte devant le commissaire, estimant « qu’il n'a plus lieu de douter que ledit sieur Audinot n'a jamais eu le dessein d'épouser ladite demoiselle Jouglas ». Cependant, Audinot, âgé de 44 ans, finira par épouser quelques mois plus tard Marie-Jeanne Jouglas, qui n’en a que dix-neuf.


L’affaire des extraits baptistaires

Lorsqu’Audinot entreprend de se marier avec Jeannette Jouglas, il doit régler le problème de sa situation familiale parce qu’aux yeux de tous, il est marié à Françoise Dubois, et le divorce n’est pas admis à cette époque. Il doit de plus expliquer à sa fille Eulalie, pourquoi il peut épouser une autre femme que sa mère :

« Eulalie, qui avait déjà atteint sa quinzième année, et se croyait fille du sieur Audinot, vit avec frayeur l'affront qu'on lui préparait. Elle se consulta : on lui conseilla de former opposition au mariage qui était déjà proclamé.

Cette opposition fit naître au châtelet une contestation très sérieuse. Il y intervint d'abord, sur les conclusions du ministère public, une sentence qui, avant [de] faire droit sur la mainlevée de l'opposition, ordonna que le sieur Audinot rapporterait l'extrait mortuaire de Françoise Dubois, sa femme. Il paraissait juste et naturel de lui imposer l'obligation préalable de prouver que cette Françoise Dubois, sa femme, n'existait plus : cependant, il était bien impossible au sieur Audinot de faire cette preuve, puisque Françoise Dubois n'avait jamais existé, ou, plutôt, n'était autre que Françoise Cailloux, femme du sieur Calame, architecte à Nancy, que l'on avait déguisée sous le nom de Dubois.

La position du sieur Audinot était infiniment critique. Pour en sortir, il s'abandonna à des conseils peu sages, qui lui firent prendre le parti le plus imprudent et le plus dangereux. Il présenta à M. le lieutenant civil une requête, par laquelle il exposa qu'il était le père de Josèphe-Eulalie ; que la naissance de cet enfant était le fruit du commerce criminel qu'il avait eu avec Françoise Cailloux, qui était alors dans les liens du mariage qu'elle avait contracté avec Richard Calame, dit la Prairie.

C'est d'après cet exposé, aussi faux qu'irréfléchi, et dans l’enthousiasme des fictions, qu'il demandait au magistrat de livrer l'état d'Eulalie Calame aux plus révoltantes suppositions, « que son extrait de baptême fût réformé ; et qu'en vertu de la sentence à intervenir, on supprimât le nom de Françoise Dubois, mal à propos donné à la mère de cet enfant ; et qu'on mit à la place le nom de Françoise Cailloux, son véritable nom de famille ; qu'on supprimât également, dans cet extrait de baptême, les termes qui y avoient été mis, contre la vérité, de femme et de père légitimes, pour y substituer ceux d'enfant naturel de Nicolas-Médard Audinot, et de Françoise Cailloux, etc. »31.

Une tentative aussi nouvelle et aussi hardie produisit un effet tout contraire à celui qu'on en attendait. Le ministère public, à qui cette requête fut communiquée, rendit plainte contre le sieur Audinot […].

Cette plainte fut suivie d'une instruction très rigoureuse. Le sieur Audinot et la dame Calame furent décrétés. Le procès fut même réglé à l'extraordinaire. Et enfin, le 19 janvier 1776, il intervint, en la chambre du conseil, sentence, qui les déclara atteints et convaincus d'avoir :

«  sçavoir, ledit Nicolas Médard Audinot, pris faussement et notoirement, tant du vivant du sieur Calame, mari de ladite Françoise Cailloux, que depuis son décès, la qualité d'époux de ladite Françoise Cailloux, et de l'avoir fait passer publiquement, pour sa femme ; et ladite Françoise Cailloux d'avoir pareillement déguisé ses véritables noms de fille et de femme, tant du vivant dudit Calame, son mari, et de s'être fait passer publiquement pour femme dudit Nicolas Médard Audinot, etc... ».

Et relativement à la demande, à fin de réformation de l'extrait de baptême, du 20 mars 1759, il fut ordonné, qu'avant d'y statuer, les parents et amis de Josèphe-Eulalie seraient convoqués en l'hôtel de M. le lieutenant civil, à la requête de M. le procureur du roi, pour donner leur avis sur cet objet.

Immédiatement après cette sentence, M. le procureur du roi demanda qu'il fût nommé un tuteur à la mineure Eulalie. Le sieur Landrin, ancien procureur, en accepta la charge, après avoir été élu par les parents et amis, et reçu par M. le lieutenant civil.

Le 12 juillet 1776, les parents et amis, et le tuteur de la mineure Eulalie, assemblés de nouveau32, furent unanimement d'avis que son extrait de baptême devait être réformé, et qu'il fallait lui rendre son véritable état, celui de fille légitime de Richard Calame, et de Françoise Cailloux.

M. le procureur du roi adopta cet avis, et conclut à ce qu'il fût homologué, en conséquence, que l'acte de baptême de Josèphe-Eulalie, du 20 mars 1759, fût réformé par le greffier de chambre civile, tant sur le registre des actes de baptême de la paroisse de Saint-Sulpice, que sur celui déposé au greffe du Châtelet ».

Les deux ex-« époux » obtiennent donc gain de cause, mais comme ils ont enfreint la loi, ils passent quelques jours en prison au Grand-Châtelet. Ce procès fait le tour de Paris et entretient les ragots qui circulent sur la vie « dissolue » d’Audinot, alors que ce dernier ne visait dans cette affaire qu’à régulariser une situation, certes extraconjugale, mais qui avait cependant duré douze ans avec une relative stabilité.


Les déboires du mariage avec Jeannette

Les premiers mois du mariage de Nicolas Audinot avec Marie-Jeanne Jouglas se passent « dans le calme, la sérénité et la tranquillité la plus parfaite et l'accord le plus grand, tel qu'il est d'usage entre des personnes bien nées ». Ils ont un garçon, Nicolas-Théodore, né vers 1777. Mais le couple bat de l’aile et en 1783, l’affaire prend un tour judiciaire. D’un côté, Marie-Jeanne porte plainte, le 4 juin, contre son mari pour coups et blessure. Audinot réagit et le 28 novembre, il rapporte au commissaire que sa femme et lui « jouiraient encore tous les deux de la plus parfaite tranquillité, si le sieur Abraham D […]33 n’était venu la troubler ».

Cet homme a poursuivi de ses ardeurs la jeune femme, au point même de s’installer à Sannois quand Marie-Jeanne a séjourné à Cernay au mois de mai 1782, alors qu’Audinot restait à Paris pour ses affaires. Face à cette intolérable situation, le plaignant estime «  qu'il n'y (a) que la retraite dans une maison religieuse qui (puisse) soustraire sa femme aux sollicitations criminelles dudit sieur Abraham D[…] et la ramener à l'observation de ses devoirs ». Nous ne disposons pas de documents sur la suite donnée à cette affaire, mais il y a tout lieu de croire qu’Audinot obtient gain de cause, tant le dossier est chargé pour le sieur Dumoulin et Marie-Jeanne, qui ont mis au point un système sophistiqué pour se retrouver en cachette. Nous n’aurons plus trace, par la suite d’une autre femme vivant d’une manière permanente et suivie avec Audinot, qui conserve la garde de son fils.


L’ÉNIGME DES « DEMOISELLES AUDINOT »

Le Dictionnaire de biographie française nous indique à ce sujet :

« Vers la fin de 1769, une très jolie danseuse de l’Opéra, nommée Audinot était entretenue magnifiquement par le maréchal de Soubise34 et occasionnellement par Lauzun35, à qui elle offrit un jour 4 000 louis qui étaient toute sa fortune et que, dit-il, il refusa »36.

Quelle qu’ait été la réputation d’Audinot en matière de mœurs, il convient de lui rendre justice sur le dossier des « demoiselles d’Audinot », tel qu’il est résumé par l’interrogation suivante, à laquelle nous ne souscrivons pas, concernant une des filles de Françoise Cailloux, compagne d’Audinot :

« Quelle était cette demoiselle Audinot ? La femme, l'une des maîtresses ou des filles d'Audinot ? Cet histrion, comme on disait à l'époque, avait les mœurs les plus dissolues et vécut avec plusieurs actrices qui prirent successivement son nom. Elles étaient tour à tour madame et mademoiselle Audinot. L'une des sultanes de son harem fut la célèbre La Prairie dont il eut plusieurs enfants adultérins, car celle-ci était mariée. Voir la Correspondance secrète, p. 379 »37.

Nous avons souhaité rétablir la réalité des faits.


Mademoiselle Audinot, dite La Prairie

Audinot et Françoise Cailloux ont élevé pendant leur vie commune une autre fille, selon le témoignage du médecin Jean Estève qui déclare, lors des auditions de 1776 (cf. supra), avoir vu dans les années 1763 deux « petits enfants femelles » dans l’appartement des Audinot : il cite Eulalie et Marie-Anne, « traitées comme sœurs ».

Marie-Anne est en fait une des enfants que Françoise Cailloux a eus de son mari La Prairie, et qu’elle a fait venir depuis Nancy, d’après une confidence faite par la compagne d’Audinot à une voisine, Marie-Madeleine Aubert, veuve de Louis Morisan, laquelle verse ce témoignage lors du même procès. Une autre voisine, Marie Gilbert, épouse Louis Pin, indique : « Marie-Anne a été appelée vulgairement dans le public mademoiselle de Laprairie »38. On ne connaît pas sa date de naissance, mais on peut supposer qu’elle est née autour des années 1750-1755, car elle est encore « enfant » en 1763, quand le docteur Estève la rencontre chez les Audinot et même « très enfant » lorsqu’elle joue la comédie à l’Isle-Adam, avec le duc de Lauzun, dans la troupe du prince de Conti à cette même époque (cf. infra).

Plus tard, Marie-Anne entre à l’Académie Royale de Musique où elle est désignée tantôt comme Mademoiselle Audinot, tantôt comme Mademoiselle La Prairie (ou Laprairie). Elle se fait remarquer par le prince de Soubise39, qui la retire de l’Opéra et en fait sa maîtresse en titre.

« Mlle Laprairie brilla quelque temps sur la scène lyrique, et depuis l'homme en place jusqu'à l'artisan, tout ressentit le pouvoir des jeux de cette enchanteresse. Elle avait puisé chez l'abbé Terray des goûts que le prince de Soubise se plut à cultiver. Ce seigneur magnifique lui fit quitter l'Opéra pour n'être plus qu'à lui »40.

Le prince s’adonne entièrement aux plaisirs des compagnies galantes, dans une sorte de garçonnière, à Pantin, où il fait venir tout ce que l’Opéra compte de jeunes actrices :

« Le prince de Soubise, ce vieux satrape à talons rouges, la fit venir aux petits soupers de son fameux boudoir de Pantin, que, suivant les rites surannés de l'époque, il appelait son temple de l’Amour. On y respirait une atmosphère ambrée. Mille glaces y répétaient mille tableaux licencieux, où tout l'Olympe amoureux semblait descendre. Là se réunissaient les Saint-Huberti41, les Laprairie, les Guhnard, les Coulon, et autres célèbres impures. Les chants les plus suaves, les danses les plus voluptueuses, étaient toujours suivis d'un festin exquis, assaisonné des saillies étincelantes des Sophie Arnoult, des Champfort, des Laclos et des Champcenetz »42.

Marie-Anne a du tempérament. « Mademoiselle la Prairie rompit plus d'une fois sa mignonne cravache sur le dos des folliculaires assez hardis pour l'offenser : il est vrai que cette demoiselle était la maîtresse du prince de Soubise, et que les habitudes des gentilshommes devaient avoir déteint sur elle »43.

Elle reçoit du prince un revenu non négligeable :

« Nous lisons dans des rapports de police rédigés en I759-1760 les renseignements qui suivent : […]« M. le prince de Soubise vient de faire un arrangement avec mademoiselle Audinot : au lieu de trois mille livres par an qu'il lui donnait, il lui donne douze cents livres pour ses menus plaisirs, et douze cents à sa mère pour la dépense de la maison et toutes ses provisions. Il a fait le même marché avec la petite Dervien. Il n'y a que les demoiselles Coste et Guimard à qui il donne les trois mille livres »44.

Mais Mlle Audinot-La Prairie garde au coeur un amour secret : elle est tombée amoureuse du duc de Lauzun, rencontré lorsque la famille Audinot était au service du Prince de Conti à l’Isle-Adam en 1763. Elle n’hésite pas à se rappeler au bon souvenir du duc, dont elle a gardé un souvenir ému. Il faut dire que ce fringant gentilhomme, né en 1747, est plus avenant que le « vieux » prince (né en 1715). L’anecdote des retrouvailles mérite d’être rapportée :

« Sur la fin de 1769, une très jolie danseuse de l'Opéra, nommée mademoiselle Audinot, me reprocha de ne pas la reconnaître. Je me souvins en effet que j'avais joué la comédie avec elle à l'Ile-Adam, lorsqu'elle était encore très enfant. Il était difficile de trouver une figure plus séduisante. Nous nous prîmes de goût l'un pour l'autre. Mais nous n'en fûmes pas, pendant quelque temps, plus avancés. Elle était entretenue magnifiquement par M. le maréchal de Soubise, étroitement gardée par sa mère et par plusieurs autres personnes.

Elle demeurait à un second étage, dans la rue de Richelieu, dans une assez vieille maison, qui tremblait à chaque carrosse qui passait. Il me vint une idée qui me réussit parfaitement : je gagnai une servante qui me fit faire une clef, et je cherchai une voiture anglaise qui fît beaucoup de bruit, je la faisais passer devant les fenêtres, et, avec ce secours, j'entrais et je sortais sans que la mère, qui couchait dans la chambre à côté, s'en aperçut. Cela dura ainsi presque que tout l'hiver. On le découvrit enfin, mais il fallait bien permettre ce qu'on ne pouvait empêcher. La petite fille m'aimait beaucoup. Elle voulut quitter M. de Soubise, je l'en empêchai. Il l'apprit et m'en sut bon gré, et trouva bon qu'elle me gardât. Il se chargea de l'état d'un enfant dont elle accoucha, et qui mourut peu de temps après »45.

L’attachement de Marie-Anne pour le duc de Lauzun est tel qu’elle offre à ce dernier de l’argent quand il se prépare à accompagner le duc de Choiseul, ministre en disgrâce, dans sa fuite, le 24 décembre 1770 :

« Mlle Audinot m'envoya 4.000 louis, qui étaient toute sa fortune, et fut dans un véritable désespoir de ce que je les refusai »46.

Mlle de La Prairie épouse, aux environs de 1780, le maître des ballets de l'Opéra, Maximilien Gardel, dit l'aîné47. Certains sont sceptiques sur cette union :

« Quelqu'un disait que cette Laïs ne serait pas plus fidèle à son mari qu'elle ne l'avait été à ses amants. Sophie (Arnould) répondit : « Cela peut être ; mais ce qui doit consoler un mari d'être trompé par sa femme, c'est qu'il reste toujours propriétaire d'un bien-fonds dont les autres n'ont que l'usufruit »48.

Gardel meurt à Paris le 11 mars 1787. Sa veuve ne tarde pas à se remarier avec Thomas Élisabeth Richer de Serizy, journaliste qui sera célèbre sous la Révolution. Le mariage semble de pure convenance, d’autant qu’il est homosexuel. Marie-Anne l'accuse de se montrer violent. Leur divorce durera une dizaine d'années, durant lesquelles elle devra lui verser une pension. Nous ignorons la date du décès de Marie-Anne.


L’étrange procès d’Eulalie contre son père

Nous avons quitté Josèphe-Eulalie au moment où ses parents venaient d’obtenir en 1776 la rectification de son état civil. Cette décision ne plaît pas du tout à la jeune fille et elle va tout faire, avec l’aide de son tuteur, pour atteindre un objectif a priori étrange : alors qu’elle est dotée d’un nom connu, elle n’a qu’une idée, celle de le perdre ! Nous en ignorons les raisons, car elle n’en donne pas lors du procès qu’elle entame et qui durera six ans. Nous le résumons :

L’objectif recherché par Eulalie est tout simplement qu’il lui soit permis de se « qualifier fille légitime de Richard Calame, dit la Prairie, et de Françoise Cailloux son épouse ; de signer le nom de Calame dans tous les actes qui lui seront nécessaires, et qu'elle jugerait à propos de faire par la suite ». Comment y parvenir, alors que sa mère s’est rangée aux raisons d’Audinot, bien que ne vivant plus avec lui et que la justice a accepté de rectifier son acte de naissance ?

Il faudra toute l’habileté d’un éminent avocat, M. Gattrez, pour arriver à ce résultat49. Ce dernier s’appuie sur une règle, qui sert encore de base aujourd’hui au droit de la filiation, même si elle accepte d’innombrables exceptions : Pater is quem nuptiœ demonstrant (Le père est celui que montrent les noces). Tout enfant qui naît d’une femme mariée est présumé avoir comme père l’époux de sa mère, sauf si l’on parvient à prouver le contraire. L’enjeu du procès repose donc sur le point de savoir si le sieur Calame a pu être le père d’Eulalie alors qu’au moment de sa conception, il se trouvait à Nancy, à moitié invalide et probablement impuissant.

Pour en avoir le cœur net, le lieutenant civil ordonne « que les parents et amis de feu Richard Calame, dit la Prairie, et de Françoise Cailloux, sa femme, demeurants à Paris et à Nancy, seraient assignés à comparaître, en l'hôtel de M. le lieutenant civil, pour donner leur avis, tant sur les demandes du sieur Audinot, que sur celles du tuteur de la mineure Eulalie...». Les assignations nécessaires sont données pour comparaître le 28 août 1777, en l'hôtel du lieutenant civil. Mais il ne s'y présente que « le sieur Charier, porteur de la procuration de quelques parents du feu sieur Calame ». Le message dont ce dernier est porteur est clair, mais tout aussi étrange que la décision d’Eulalie : les Calame refusent de reconnaître celle-ci comme membre de leur famille !

Le magistrat ne s’en tient pas là et ordonne que « la dame veuve Calame, Marie-Anne Calame, aujourd'hui femme du sieur Gardel, et le sieur Calame, bonnetier à Troyes, [soient] appellés pour donner leur avis sur la demande à fin de réformation de l'extrait de baptême de la mineure Josèphe-Eulalie ». Personne ne se présentera les 17 octobre, 17 novembre 1777 et 17 juin 1778.

Il faudra attendre les 24 et 31 mars, 30 mai et 12 juin 1781, pour que toutes les parties concernées se présentent successivement, en personne ou par procuration. Le langage tenu est toujours le même :

« Les sieur et dame Gardel […] dirent qu'ils n'avaient aucune connaissance qu'il fût né, du mariage du sieur et dame Calame, d'autres enfans que la dame Gardel et deux garçons, l'un nommé Henri, qui était mort, et l'autre, Nicolas Calame, fabricant de bas à Troyes ; et qu'ils ne voulaient point reconnaître Josèphe-Eulalie, parce que ni les notions de famille, ni les circonstances du procès, jugé le mois de janvier 1776, ni l'acte dont la réformation était demandée, ni la notoriété publique, ne lui attribuaient le titre d'enfant du mariage des sieur et dame Calame ».

De son côté, la mère de Marie-Anne s’en tient à la sentence de 1776. En dépit de ces témoignages, le Grand-Châtelet de Paris rend son verdict le 17 janvier 1784 : il donne raison à Josèphe-Eulalie, qui devient ainsi Mademoiselle Calame ! La chambre a tenu absolument à préserver la règle sacro-sainte du Pater is quem… à une époque où la liberté des mœurs tendait à multiplier les enfants adultérins.

On est en droit de se demander pourquoi Eulalie a tenu, contre vents et marées, à prendre le nom d’un homme brutal et ivrogne, qu’elle n’a même pas connu ? Est-ce par pure vengeance contre un père biologique qui lui a caché la vérité ? Mais était-elle vraiment ignorante que sa mère n’était pas la véritable épouse d’Audinot ? On peut en douter dans la mesure où elle a vécu pendant plusieurs années avec sa demi-sœur, venue de Nancy, que l’on surnommait de surcroît La Prairie ? Comment cacher à ce point la vérité, quand on est si intime ? Était-ce parce que le nom d’Audinot était difficile à porter, car lourd de réputation sulfureuse ? Ou bien faut-il supposer une rivalité avec Marie-Anne, pensionnaire comme elle de l’Opéra, et qui de surcroît, refusait de la considérer comme étant de la famille ? Faute de confidences rapportées par Eulalie, ou de témoignages de tiers, cette attitude reste pour le moment inexpliquée.

Toujours est-il que l’Opéra conserve dans ses archives le nom d’Eulalie Calame, danseuse50. Exit Mlle Eulalie Audinot, de même que sa demi-sœur, Marie-Anne, a préféré s’appeler La Prairie !


Le fils Audinot

Nicolas-Théodore Audinot-d’Aussy (ou Daussy) (1777-1826), fils de Nicolas-Médard Audinot et de Marie-Jeanne Jouglas, reprend à partir de 1815 la direction de l’Ambigu-Comique jusqu’en 1826, un an avant que le théâtre ne brûle. Il épouse Henriette Bastienne de Puisaye. Il meurt en 1826. Il est soigné par François Magendie, le célèbre médecin physiologiste, lequel épousera sa veuve51. Celle-ci remplace Nicolas-Théodore au pied levé,

« Car chose remarquable, les entreprises de théâtre sont considérées alors comme des maisons de commerce, dont le chef peut être aussi bien une femme qu'un homme. Et, en réalité, plus d'une femme a été un excellent directeur. Comme exemples à l'appui de cette vérité, citons : Mlle Montansier, Mme Nicolet, Mme Bourguignon, Mme de Puisaye, Mme Audinot »52.

L'Ambigu-Comique refleurit sous l'administration de Mme veuve Audinot et de M. Sennepart, son associé, lorsque, dans la nuit du 13 au 14 juillet 1827, à la suite de la répétition générale d'un mélodrame intitulé la Tabatière, le théâtre brûle. Un nouveau privilège est accordé à Mme Audinot.

« Mais comme, à cette époque, une croyance assez naïve, qui veut qu'un théâtre soit toujours isolé, afin que, le jour fatal où il doit nécessairement brûler, il puisse le faire tout seul sans incommoder les voisins, il est décidé que l'Ambigu-Comique cherchera un terrain plus vaste que celui sur lequel il a existé pendant cinquante-huit ans sans incendier personne. Trois ans plus tard, M. Allaux est autorisé à construire un théâtre sur l'ancien emplacement de l'Ambigu. Ce théâtre est celui des Folies-Dramatiques. Pourquoi donne-t-on à M. Allaux la permission refusée à Mme Audinot ? Mystère ou caprice ! »53.

Mme Audinot abandonnera quelques mois plus tard la direction du théâtre. Le reste de sa vie sera dès lors à suivre sous le nom de Mme Magendie.



Hervé Collet, mai 2010,

avec des compléments de Gérard Ducoeur.



Bibliographie

Ouvrages de base

- Anonyme, La Confession générale d'Audinot : Réimpression textuelle sur le pamphlet original et rarissime de 1774. J. Lemonnyer, 1880, 80 p. (Ce livre est un texte pamphlétaire de pseudo-mémoires, à prendre avec beaucoup de réserve).

- Buguet (H.), Heylli (G.), Foyers et coulisses : histoire anecdotique des théâtres de Paris, t. 13, art. Ambigu-Comique, Paris, Tresse, 1873-1885, pp. 1-20.

- Campardon (É.). Les Spectacles de la foire : théâtres, acteurs, sauteurs et danseurs de corde, monstres, géants, nains, animaux curieux ou savants, marionnettes, automates, figures de cire et jeux mécaniques des foires Saint-Germain et Saint-Laurent, des Boulevards et du Palais-Royal, depuis 1595 jusqu’à 1791, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1877, pp. 30-74.

- Duckett (W.) fils, Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous, vol. 1, art. Ambigu-Comique, 1853, p. 436-438.

- des Essarts, « Sur la légitimité de la demoiselle Calame, dite Audinot », in Causes cellebres, curieuses et interessantes, de toutes les cours souveraines du royaume, avec les jugemens qui les ont decidees, t. CXIII, Nyon, 1784, pp. 3-78.

- Mayeur (F.-M), dit Mayeur de Saint-Paul, Le Chroniqueur désœuvré ou l'Espion du boulevard du Temple, contenant les annales scandaleuses et véridiques des directeurs, acteurs et saltimbanques du boulevard, avec un résumé de leur vie et mœurs par ordre chronologique, Londres, 2 t. en 1 vol., 1781 (et 2e éd. en 1 vol., Paris, 1782). Rééd. E. Sansot, 1907.

- Michaud (L.-G), Biographie universelle ancienne et moderne, vol. 2, Madame C. Desplaces, 1854, p. 405.

- Prévost (M.), Audinot (Nicolas-Médard), in Prévost (M.), Roman d’Amat, (sous la dir.), Dictionnaire de biographie française, t. 4, Paris, libr. Letouzey et Ané, 1948, coll. 415-417.

- « Un vieil amateur », Notice sur l'Ambigu-Comique, nouvelle salle, chez Menoret libraire, 1847, 16 p.


Sources diverses

- Arnould (S.), Deville (A.), Arnoldiana, ou Sophie Arnould et ses contemporaines : recueil choisi d'anecdotes piquantes, de réparties et de bons mots de Mlle Arnould, Gérard, 1813.

- Bachaumont (Petit de, L.), Jacob (P.- L.), Mémoires secrets de Bachaumont, A. Delahays, 1859, 468 p. (divers passages).

- Cancelier (A.), Paulard (D.), Sannois hier et aujourd’hui, Valhermeil, 1993, p. 71.

- Desarbres (N.), Deux siècles à l'Opéra (1669-1868) : Chronique anecdotique, artistique, excentrique, pittoresque et galante..., 1868.

- Ducoeur (D. et G.), et al., Ermont au fil du temps, éd. Valhermeil, 1994, pp. 69-72.

- Dulaure (J.-A.), Histoire physique, civile et morale de Paris: depuis les premiers temps…, vol. 8, 4e édit. Guillaume et compagnie, 1829, pp. 124-125.

- Imbert de Boudeaux (G.), La chronique scandaleuse ou mémoires pour servir à l'histoire de la génération présente, s.n., 1783.

- Lauzun (Armand-Louis de Gontaut Biron, duc de), Mémoires du duc de Lauzun (1747-1783), publiés entièrement conformes au manuscrit, avec une étude sur la vie de l'auteur, Poulet-Malassis et de Broise, 1858.

- Lefeuve (C.), Le Tour de la Vallée, chapitre Sannois, édition de 1866, ré-éd. publication n° 2, CHAEVM, 1975, p. 213-218.

- Massuchetti (abbé F.), Notes sur Sannois, 1909, ré-éd. Le livre d’histoire, Paris, 2005, pp. 128-130.

- Le Monde dramatique, vol. 4, s.n., 1837, p. 388.

- Vaquier (A.), Ermont à l’époque révolutionnaire, Publication SHAPV, 1967, pp. 121-126 et 130-133.



Publié sur le site de Valmorency (Association pour la promotion de l’histoire et du patrimoine de la Vallée de Montmorency) : www.valmorency.fr

Tous droits d’auteur réservés. Reproduction soumise à autorisation avec citation de la source (contact : contact@valmorency.fr).




1 François-Marie Mayeur, dit Mayeur de Saint-Paul (1758-1818), lui-même acteur, dramaturge et directeur de théâtre, a joué comme enfant dans la troupe d’Audinot à l’Ambigu-Comique. Il est l'auteur d'une soixantaine de pièces de théâtre, souvent licencieuses, et d'ouvrages scandaleux, toujours anonymes. Son Chroniqueur désœuvré rassemble des ragots sur les théâtres parisiens à la fin du XVIIIe siècle. Il termine ainsi le portrait d’Audinot, son ancien maître, devenu rival :

« Quelle différence ! Aujourd'hui maigre, décharné, le teint plombé, les joues enfoncées, un regard hypocrite, un corps qui ne respire que par le souffle de l'envie, enfin une existence si éphémère qu'on croit, en le fixant, voir un spectre animé ; avec cela, un mouchoir toujours à la bouche pour cacher une lèvre humide qui distille le mercure, fruit d'une débauche infâme ». Edition de 1907, p. 107.

2 Il mourra le 28 octobre 1762.

3 Par la suite, la situation se régularisera. Le père de Françoise viendra la voir à Paris et le couple Audinot accueillera une des filles La Prairie (voir infra Mlle Audinot, dite La Prairie).

4 François-Antoine Quétant (1733-1823) est un librettiste fécond et talentueux, à qui l’on doit notamment Les femmes et le secret et Le serrurier.

5 « Après plusieurs conseils des dépêches, il est décidé que l'Opéra-Comique est supprimé, que le fond des pièces appartiendra à la Comédie-Italienne et que ce genre de spectacle sera subordonné comme les deux Comédies à l'inspection des gentilshommes de la Chambre... Jamais les Italiens ne s'étaient vus assiéger par une foule pareille. C'était une fureur dont il n'y a pas d'exemple : des flots de curieux se succédaient sans interruption et débordaient dans toutes les rues voisines ». Louis Petit de Bachaumont, P. L. Jacob, Mémoires secrets de Bachaumont, A. Delahays, 1859, p. 168.

6 Idem, p. 17

7 Idem, p. 219

8 Chaque théâtre officiel possède ainsi son propre censeur. En 1776, Préville remplit cette fonction pour la Comédie-Française et Hesse pour le Théâtre-Italien.

9 Henry Buguet et Georges d'Heylli, Foyers et coulisses : histoire anecdotique des théâtres de Paris, t. 13, art. Ambigu-Comique, Paris, Tresse, 1873-1885, p. 4.

10 Duckett (W.) fils, Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous, vol. 1, art. Ambigu-Comique, 1853, p. 437.

11 Cf. Louis-Sébastien Mercier, Jean-Louis Natthey, Tableau de Paris, vol. 6, Imprimerie de Natthey et Compagnie, 1783, p. 172 :

« Ventilateur des spectacles.

Les chimistes nous ont appris qu'il régnoit dans une salle de spectacle trois sortes d'air. Dans le bas, un air lourd méphytique, très dangereux ; dans le haut un air plus léger & non moins nuisible.

Tout air respiré cesse d'être respirable. Les petites loges sont toutes dans le haut & dans le bas de la salle ; & c'est là que viennent s'empoisonner & s'ennuyer nos femmes aux nerfs délicats.

En construisant la salle provisoire de l'opéra, on nous avoit promis un ventilateur. Ce ventilateur auroit coûté cent écus, & il n'y en a pas à la comédie françoise, il n'y en a pas à la comédie dite italienne : cet honneur est réservé à Audinot, à Nicollet & aux Variétés amusantes.

Cependant rien de plus simple que ce ventilateur, tel que l'avoit proposé l'inspecteur des objets de salubrité, M. Cadet de Vaux, qui s'occupe constamment & efficacement de tout ce qui peut intéresser la santé & la conservation de ses concitoyens.

Ce ventilateur consiste en un tuyau de cheminée, faisant l'office de fourneau à réverbère, partagé par une grille où l'on auroit allumé du charbon de terre purifié au moment du spectacle. Dans le cendrier auroit été établi des tuyaux partant des divers points de la salle, en sorte que le feu auroit aspiré par ces bouches & renouvellé l'air méphytique.

L'air respiré de nos salles de spectacles, est une source perpétuelle de maladie. L'excessive chaleur qu'on y éprouve, fait qu'on altere sa santé en voulant former son goût. La police qui a soin de bannir des pièces les mauvaises paroles, devroit s'occuper à chasser des salles de spectacles l’air respiré qui n’est plus respirable ».

12 Duckett (W.) fils, op. cit. p. 437.

13 Archives nationales, Minutier Central, CXVIII 545.

14 Cf. notre article « Histoire générale d’Ermont ». Cf. également les plans des bâtiments, cour, jardins et clos, Arch. nat., N III, Seine-et-Oise, n° 308, plans n° 1 du 21 avril 1777 (8 arpents 30 perches) et n° 2 du 15 avril 1779 (43 arpents, 43 perches, un sixième).

15 Blumenfeld (H.), Stratification de cartes et aménagements, Cahiers de l’IAURIF, n°119, 1997. Un dessin minute de la carte « des Chasses » au 1/14 400e environ (c. 1764-1773) où figurent « l’Étang d’Ermont », le ru de la Fontaine, extrait SHAT, DETM, NNB, NC E 970193, p. 57. Pour « l’Étang d’Ermont », voir aussi : le plan Trudaine, Arch. nat., cartes, plans et photographies, F 14* 8448, planche 3, où figure la pièce d’eau quadrangulaire. Les atlas dit de « Trudaine » ont été dressés par Daniel Charles Trudaine et Jean Rodolphe Perronet entre 1745 et 1780. Cf. également le plan parcellaire avec l’Étang, Arch. nat., N III, Seine-et-Oise, n° 305, pl. 5.

16 Archives nationales, N I, Seine-et-Oise, n° 56, ce plan du terroir d’Ermont (fin XVIIIe siècle) le nomme le Clos de Mr Audinot.

17 « Le fief Dauxy, sis à Ermont, qui fut à Mathieu Dauxy, contenant 3 arpens où il y avait mazures enclavées dans une grande maison et dépendances, appartenant à M. de la Bretonnière ». Cf. note 19.

18 Visme (Armand de), Aveu de Pierre-Antoine Coüet du 12 mars 1759, in Essai historique sur Eaubonne (Seine-et-Oise), Paris, 1914, 109 p., Appendice VIII, p.92- 102, en part. item 6, p. 100.

19 Vaquier (A.), Ermont à l’époque révolutionnaire, Publication SHAPV, 1967, p. 121-123.

20 Archives nationales, Minutier Central, LVIII 557.

21 Vaquier (A.), op. cit., p. 130-133.

22 Delaplace (J.), La maison Chef de Ville, in Ducoeur (D. et G.), et al., Ermont au fil du temps, éd. Valhermeil, 1994, p. 69-72.

23 Cf. notre article « Histoire générale de Sannois », avec bibliographie complète.

24 Vaquier (A.), op. cit., p. 124-126.

25 Vaquier (A.), ibidem, p. 121-123.

26Lefeuve (C.), Sannois, in Le tour de la Vallée. Histoire de la vallée de Montmorency, 1856 et 1866, ré-éd. CHAEVM, n° 2, 1975, p. 211-218, en part. p. 217.

27 Le fils de Nicolas-Médard Audinot, Nicolas-Théodore Audinot (1777-1826), possèdera plus tard le château du Petit-Cernay, construit par son père, en 1790, sur Sannois. Le château actuel est reconstruit par la famille Thiessé, propriétaire du château du Petit-Cernay après François Magendie (1802), M. Billet, agent de change et le général Lhérillier (1875), qui l’ont successivement habité.

28 Cf. notre article « François Magendie (1773-1855), le savant physiologiste, à Sannois ».

29 Cancelier (A.), Paulard (D.), Sannois hier et aujourd’hui, Valhermeil, 1993, p. 71.

Massuchetti (abbé F.), Notes sur Sannois, 1909, ré-éd. Le livre d’histoire, Paris, 2005, p. 128-130.

30 Les démêlés familiaux d’Audinot ont donné lieu à de nombreuses instructions judiciaires, dont les procès-verbaux sont rapportés par Émile Campardon dans son ouvrage : Les Spectacles de la foire : théâtres, acteurs, sauteurs et danseurs de corde, monstres, géants, nains, animaux curieux ou savants, marionnettes, automates, figures de cire et jeux mécaniques des foires Saint-Germain et Saint-Laurent, des Boulevards et du Palais-Royal, depuis 1595 jusqu’à 1791, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1877, pp. 30-74.

31 La requête exacte d’Audinot est la suivante : « Pour sa tranquillité, pour celle de Françoise Cailloux, pour mettre leurs affaires en bon ordre suivant les lois, en rendant hommage à la vérité, (il) désire faire rectifier lesdits trois extraits baptistaires et les rendre conformes aux faits et au véritable état desdits trois enfants dont il n'existe plus aujourd'hui que Josèphe-Eulalie, née le 19 mars 1759, baptisée le lendemain et actuellement dans la maison du suppliant comme sa fille naturelle ». On voit par là qu’en employant le terme de commerce criminel, l’avocat rapporte les faits d’une manière extrêmement partiale.

32 En réalité, le commissaire Joron, mandaté par le procureur du Roi, recueille en plusieurs fois, au mois d’août 1776, le témoignage de parents et voisins d’Audinot, ce qui nous vaut un panorama assez large de la vie de notre acteur/entrepreneur de spectacles et de son entourage depuis son arrivée à Paris. Cf. Émile Campardon, op. cit., pp. 39-49.

33Les renseignements qu'Audinot fournit sur les légèretés de sa femme lui sont donnés par un sieur Henri-Nicolas Nortier, musicien de son orchestre, qu'il a chargé d'espionner. Ce personnage, pris un jour en flagrant délit, reçoit à ce propos du sieur Abraham D[...] une volée de coups de canne dont il vient se plaindre au commissaire Vanglenne le 10 octobre 1783. Les détournements commis par Mme Audinot dans son ménage sont attestés chez le même commissaire, le 16 octobre 1783, par Françoise Bouchet, femme de Martin Leclerc, cocher bourgeois, qui est cuisinière au service d'Audinot.

34 Charles de Rohan, prince de Soubise, est maréchal de France (Paris 1715-id. 1787). Ami de Louis XV et de Mme de Pompadour, il prend une part importante à la victoire de Fontenoy, puis à la défaite de Rossbach (1757). Vainqueur à Sondershausen (1758), il est promu maréchal. Ministre d’État (1759), commandant l’armée du Rhin (1761), il laisse battre le duc de Broglie en ne le secourant pas, est vaincu à Wilhelmstadt, mais gagne la bataille du Johannisberg (1762). Revenu à la Cour, très en faveur auprès de Mme du Barry, il se retire lors de l’affaire du Collier de la reine.

35 Armand Louis de Gontaut, duc de Biron puis duc de Lauzun est général (Paris 1747-id. 1793). Après avoir été promu de divers commandements dans l’armée, il est élu député de la noblesse du Quercy en 1789. Aigri de la Cour, il adhère au parti d’Orléans. Lieutenant général en 1792, il est commandant des armées du Rhin, d’Italie (1792), et de l’Ouest (1793). Mais il est arrêté en juillet 1973 et guillotiné. Dans sa jeunesse, il a réussi à scandaliser ses contemporains par l’excès de ses débauches.

36 Prévost (M.), Audinot (Nicolas-Médard), in Prévost (M.), Roman d’Amat, (sous la dir.), Dictionnaire de biographie française, t. 4, Paris, libr. Letouzey et Ané, 1948, coll. 415-417.

37 Armand-Louis de Gontaut Biron, duc de Lauzun, Mémoires du duc de Lauzun (1747-1783), publiés entièrement conformes au manuscrit, avec une étude sur la vie de l'auteur, Poulet-Malassis et de Broise, 1858, p. 99.

38 Cf. Émile Campardon, Correspondance secrète, t. 1, p. 48.

39 Armand-Louis de Gontaut Biron, duc de Lauzun, op. cit., p. 99.

40 Sophie Arnould, Albéric Deville, Arnoldiana, ou Sophie Arnould et ses contemporaines : recueil choisi d'anecdotes piquantes, de réparties et de bons mots de Mlle Arnould, Gérard, 1813, p. 299.

41 Marguerite Cécile Clavel de Saint Huberty, pensionnaire du Roi Louis XVI, est une artiste lyrique célèbre autant par sa légèreté de mœurs que par son talent. En 1788, elle rêve de faire creuser un canal dans la propriété du château qu’elle vient de se faire offrir à Groslay par le comte Alphonse de Turconi, chambellan de l’empereur d’Autriche, et d’aménager un kiosque au milieu d’un îlot que l’on atteindrait « en batelet » pour son futur mari le comte d’Entraygues. Mais le projet n’aboutit pas. Cf. notre article « Histoire générale de Groslay ».

42 Lairtullier (E.) Les femmes célèbres de 1789 à 1795 et leur influence dans la révolution, pour servir de suite et de complément à toutes les histoires de la révolution française, Vol. 2, Librairie politique, 1840, p. 210.

43 Victor Fournel, Du rôle des coups de bâton dans les relations sociales, et, en particulier, dans l'histoire littéraire, A. Delahays, 1858, p. 181.

44 Revue rétrospective, 2e série, 1835, t. III, p. 137.

45 Armand-Louis de Gontaut Biron, duc de Lauzun, Mémoires du duc de Lauzun (1747-1783), publiés entièrement conformes au manuscrit, avec une étude sur la vie de l'auteur, Poulet-Malassis et de Broise, 1858, p. 99.

46 Les historiens du théâtre ne sont pas d’accord sur le montant de la somme proposée par la danseuse :

« Mademoiselle Audinot est connue par un trait qui fait l'éloge de son cœur. Apprenant que le duc de Lauzun allait être obligé de s'expatrier, elle réalisa toute sa fortune et en envoya le montant, 96,000 livres environ, à son ancien amant. Le duc refusa, ce qui contraria et humilia la danseuse ». Nérée Desarbres, Deux siècles à l'Opéra (1669-1868) : Chronique anecdotique, artistique, excentrique, pittoresque et galante..., 1868, 297 p., p. 124.

47 En 1784, le corps de ballet de l'Opéra comporte 72 danseurs : 36 hommes et 36 femmes. Maximilien Gardel (dit "l'aîné") est le maître de ballet, et Pierre Gardel (dit le "cadet") est son assistant tout en cumulant la fonction de premier sujet, conjointement avec Auguste Vestris et Nivelon.

48 Sophie Arnould, Albéric Deville, op. cit., p. 300.

49 Cf. Sur la légitimité de la demoiselle Calame, dite Audinot, in Causes cellebres, curieuses et interessantes, de toutes les cours souveraines du royaume, avec les jugemens qui les ont decidees, t. CXIII, Nyon, 1784, pp. 3-78.

50 Brigitte Labat-Poussin, Archives du Théâtre national de l'opéra,Archives nationales, Paris, 1977, p. 477.

51 C’est le fils Audinot que soigne Magendie et non le père, contrairement à ce qu’a malencontreusement indiqué Charles Lefeuve dans sa notice sur Audinot dans le Tour de la Vallée, chapitre Sannois, édition de 1866, ré-éd. publication n° 2, CHAEVM, 1975, p. 216-217.

52 Adolphe Laurent Joanne, Paris illustré, son histoire, ses monuments, ses musées, son administration, son commerce et ses plaisirs ..., Paris, Hachette, 1855, p. 385.

53 Ibidem.