LA PERRUCHE DE JOSEPH MÉRY À SAINT-LEU


La nouvelle que nous publions ci-après est tirée de la nouvelle de Joseph Méry « Un chat, deux chiens, une perruche, un nuage d'hirondelles », parue en octobre 1854 dans la Revue de Paris et insérée dans un recueil intitulé « La chasse au chastre », publié en 18601. Vous trouverez en fin d’article une courte biographie de cet auteur prolifique du XIXe siècle, qui mériterait d’être remis à l’honneur en tant qu’auteur « classique ». Il composa non seulement des romans et des essais, mais aussi des livrets d’opéra. Il est notamment le co-auteur du livret de Don Carlos, opéra de Giuseppe Verdi.


« Saint-Leu-Taverny, 1er octobre 1854.

Vers la fin de l'été de 1854, j'habitais ce joli village de Saint-Leu2. J'adore cette résidence champêtre, où rien ne rappelle la ville. On trouve là un musée naturel des originaux copiés par les illustres paysagistes de l'école du Nord. Il y a des Wynantz, avec leurs grands arbres découpés par d'étroites sémites, où passe le chevrier. Il y a des Berghem, où la bergère à cotte rouge se détache sur un fond vert. Il y a des Ostade d'été ; des Demarne, où s'étendent les grands pâturages ; des Asselyn, aux horizons infinis ; des Jean Miel, avec leurs scènes rustiques ; des Jean Breughel, avec leurs forêts traversées par des caravanes villageoises ; des Van der Neer, avec leurs clairs de lune solaires, qui jouent sur la surface calme des eaux. C'est la nature septentrionale, sœur de l'autre, et toujours belle pourtant aux rayons de l'été. On y voit aussi des lavoirs dans des touffes de frênes, où de jeunes filles travaillent comme Andromaque et Nausicaa, princesses du blanchissage, et suspendent le lin aux branches d'un saule riant. On y trouve des ruisseaux limpides qui courent les rues ; de vastes étables, où des coqs se promènent fièrement comme des rois dans un palais ; des hôtelleries où le feu flamboie sous le manteau des cheminées féodales. Et de tout côté, par-dessus le toit des maisons basses, ou par les éclaircies des carrefours, on aperçoit de gigantesques panaches d'arbres, des lambeaux de forêts sombres, de jolis jardins où toutes les flores s'associent pour embaumer l'air et réjouir les yeux.

Quand on a beaucoup d'oiseaux en cage, on est obligé de les transporter à la campagne. Je conduisis donc les miens à Saint-Leu, pour les faire jouir de ce délicieux paysage.

J'aime beaucoup les perruches, et malheureusement mon affection pour ces oiseaux est intéressée. Au fort de l'hiver de Paris, je me dis, comme consolation, en regardant ces oiseaux indiens : ils vivent ici par dix degrés de froid, donc je puis y vivre.

Mon affection est d'un égoïsme révoltant. Il y a d'ailleurs beaucoup d'affections comme celle-là, et dans lesquelles les perruches n'entrent pour rien.

Entre autres perruches de toutes couleurs dont Buffon ne parle pas, j'en ai une très-jeune, très-sauvage, et rétive à l'éducation. Elle écoute les leçons et toutes les formules du répertoire de sa race, mais elle ne répète rien. Un oiselier, que j'ai consulté, m'a dit : iI faut la mettre en pension chez un perroquet. Conseil perfide ! Elle en saurait trop !


Elle était donc à Saint-Leu, enfermée dans une cage du côté de la campagne. Elle jouissait d'une vue superbe : un horizon de collines, de bois et de jardins, et des fleurs partout, et des chants d'oiseaux sur les arbres, et pas un orgue de Barbarie, pas une cavatine de roues d'omnibus.

Un jour arrive où les cages les mieux fermées s'ouvrent. Qui les a ouvertes ? Est-ce vous ? -Non. - Est-ce vous ? - Non. Ma cage s'ouvrit donc d'elle-même ! Et la perruche prit au vol le grand chemin de l'air.

Quand ces catastrophes domestiques arrivent à Paris, on fait imprimer cinq cents affiches, et on promet cinquante francs de récompense. Six mois se passent, la perruche ne reparaît pas. On gagne cinquante francs. Ils servent à payer les affiches. Tout n'est pas perdu.

Ce procédé n'est pas connu à Saint-Leu. Il y a un enfant qui exécute très bien un solo de tambour, convoque les passants sur la place de la Mairie, sur la place de la Fontaine, devant l'auberge de la Croix- Blanche, leur annonce l'objet perdu, promet une récompense honnête, et indique le domicile où l’on récompensera honnêtement la restitution.

J'eus donc recours à cet enfant. Il joua son rôle comme un homme sérieux. Il indiqua le domicile de la perruche, rue du Château, 323.

On se mit à la recherche de tous côtés.

La société parisienne et artiste au milieu de laquelle je me trouvais à Saint-Leu portait le plus vif intérêt à la perruche, et on désespérait généralement de la revoir.

Les raisons que chacun donnait avaient une apparence spécieuse. À Paris, disait-on, le premier commissionnaire du coin trouve une perruche envolée. Cet oiseau ne voit que des maisons et n'entend que des omnibus, il ne demande pas mieux que de se laisser reprendre. Mais dans un village entouré de bois, de jardins et de fontaines, une perruche a retrouvé sa vie libre et ses perchoirs naturels. Nous ne la reverrons plus.

Rien n'est triste à l'œil comme une grande cage qui a perdu son locataire ailé. On y replace en imagination l'oiseau charmant. On le voit sautiller sur les barreaux, lustrer ses plumes avec son bec, déployer toutes ses grâces d'ange, tressaillir devant le grain de sucre offert par deux jolis doigts. L'absence couvre de son deuil ce petit Eden grillé. On le regarde à travers des larmes, et au moindre chant aérien, on croit que l'enfant prodigue va revenir.

Pendant quinze jours, le crieur exécuta trois fois ses solos de tambour. Personne n'arrivait plus à l'appel, il faisait sa proclamation dans le désert.

J'entendais dire à chaque instant ces lamentables paroles : iI faut en prendre le deuil !

Heureusement la chasse n'était pas ouverte. Les chasseurs sont sans pitié, les novices surtout. Ils ne sont pas forts sur l'ornithologie. Au point du jour, ils peuvent confondre une perruche et un perdreau, et faire feu. Une sage mesure de police avait remis au 15 septembre l'ouverture de la chasse : je ne redoutais encore rien de ce côté pendant un mois et demi.

Un jour, nous voyons arriver une députation d'enfants, rouges de sueur. Le plus âgé prit la parole, et dit qu'on avait vu la perruche dans le parc du château de Boissy.

Toute la députation affirma la chose, et elle s'offrit pour me conduire à ce parc.

- Est-il bien éloigné ? demandai-je. Un chœur enfantin répondit :

- Trois lieues.

À Saint-Leu, on n'a pas encore admis les kilomètres. On appelle même le maire monsieur le bailli. Le chemin de fer est très éloigné de Saint-Leu.

- Trois lieues ! repris-je, c'est un voyage, et la chaleur est très forte aujourd'hui.


Je demandai aux enfants cinq minutes de réflexion. On me les accorda.

En ce moment, je travaillais à mon Histoire de Constantinople, et j'étais arrivé au règne de Murad, ou Amurat IV (1635). Le matin même, j'avais écrit cette longue campagne d'Asie, lorsque ce glorieux sultan partit de Scutari pour aller prendre Bagdad, au mois de juillet. Il était jeune et charmant. Il habitait un palais délicieux sur le Bosphore. Il passait pour un Dieu parmi les croyants. Il avait dans ses trésors toutes les richesses des Mille et une nuits, et un beau jour il abandonne tout, pour traverser les déserts de feu, les vallons de neige, les fleuves sans ponts, les plaines sans eau, pour aller assiéger Bagdad.

Je rougis de ma faiblesse devant un pareil exemple, et, n'ayant rien de ce qu'avait Murad IV, je me mis en campagne, en plein midi, pour assiéger la perruche dans un parc beaucoup moins éloigné que Bagdad.

Les enseignements de l'histoire sont fort utiles dans certaines occasions.

Nous traversions une plaine assez semblable à celle où Lucullus découvrit les cerisiers. Je marchais en tête des enfants, qui maraudaient, selon l'usage des armées à jeun et des écoliers en vacance.

Nous arrivâmes au parc de Boissy4. Le jardinier de l'endroit, désireux d'avoir la récompense honnête, me désigna l'arbre où la perruche s'était montrée tous les jours précédents. Il me désigna aussi sur le gazon les graines de mil et les débris de pain, éparpillés par les enfants, qui jouaient le rôle de la Providence. Il me montra même le bassin d'eau limpide où l'oiseau fugitif se désaltérait après ses repas. Il me montra tout enfin, excepté la perruche. Je me rappelai les vers qu'Orphée adresse à Eurydice perdue. Je les chantai sur un air de Rossini. Les échos, qui ne sont jamais en peine de répondre, répondirent seuls à ma voix tout le long de la rivière :

Toto referebant flumine ripae5.

Le jardinier inclina la tête en me disant pour adieu l'éternelle phrase des regrets :

- Ah ! si vous étiez venu hier !

Je n'étais pas venu hier. Le malheur de ce retard était incurable. Il fallut pourtant donner une légère gratification à ces enfants, qui avaient nourri la perruche à leurs frais pendant quinze jours.

À mon retour, je répondis par un silence morne aux questions qu'on m'adressa. Il fut admis unanimement que l'oiseau avait suivi, comme Mme Deshoulières, les prés fleuris qu'arrose la Seine, et qu'il arriverait au Havre, si un chasseur ne l'arrêtait pas en chemin.

Quelques jours après, Bernard, le conducteur d'omnibus de Franconville, vint nous annoncer qu'il avait vu la perruche aux Plessis6, à très peu de distance de la station. M. Decroix, épicier à Saint-Leu, nous confirma la même chose. Ce fut pour moi un trait de lumière. Je pris le ton inspiré d'un oracle de Delphes, et je dis :

- Maintenant, je vous affirme qu'avant un mois la perruche sera rentrée dans ses foyers.

On me proposa des paris, je les tins, avec la légitime espérance de les gagner.

Un soir, à la veillée sous les arbres, on me demanda si je persistais dans mes paris.

- Plus que jamais, répondis-je, et tout prêt à en engager de nouveaux.

On voulut connaître la cause secrète de ma conviction inébranlable. Je cédai à ce désir, et je débutai ainsi :

- Je puise ma conviction dans une histoire assez curieuse, qui a eu pour théâtre le musée de Marseille, en 1842. C'est un chapitre d'histoire naturelle inédite, comme toute l'histoire naturelle d'ailleurs... il s'agit d'un chat7.

(…)


Certainement, la langue que murmurent les animaux, lorsqu'ils vivent ensemble, n'a aucun rapport même avec la plus imparfaite des langues primitives des sauvages. Mais elle leur suffit telle qu'elle est pour les besoins de leur association. Son vocabulaire est très borné. Il se compose de quelques modulations plus ou moins vives, qui ont un sens très clair entre deux animaux depuis longtemps amis. Je développerai un jour ce système, en l'appuyant d'observations que j'ai faites et qui le compléteront. Au reste, la sagesse indienne, en inventant les fables et les dialogues d'animaux, a donné à quelques anciens la première idée de ce système. Ainsi, je me garderais bien d'en réclamer les droits d'auteur.

En venant se percher sur les arbres des Plessis, la perruche avait fait un grand pas rétrograde. À mon avis, elle manifestait une tendance évidente à se rapprocher de Saint-Leu. Le souvenir du musée de Marseille ne me laissait aucun doute sur le dénouement.

Les perruches ont un don bien rare chez les hommes : elles savent écouter, elles aiment écouter. Chez ces oiseaux, le sens de l'ouïe absorbe continuellement, et, s'ils avaient une complète conformation de ressorts dans l'organe de la parole, Dieu sait tout ce qu'ils apprendraient par cœur et tout ce qu'ils rediraient. Malheureusement, le mécanisme de la prononciation est très borné dans leur bec, et leur répertoire est peu varié. Malgré cette insuffisance de moyens, les perruches se croient obligées de prêter une oreille attentive à tous les bruits extérieurs, et ce que les autres animaux écouteurs font par crainte d'un péril, les perruches le font par leur instinct, qui est l'amour de l'audition.

De tous les bruits extérieurs qui frappaient plusieurs fois par jour les oreilles de la perruche notre héroïne, le bruit de la cloche de l'église était le plus retentissant. Elle se réveillait au premier angelus, elle s'endormait après le dernier. Probablement, elle doit avoir fait quelques tentatives de gosier pour répéter la sonnerie. Mais elle n'a pas réussi : ce qui lui a donné encore plus d'estime et d'affection pour cet inimitable voisin.


Du haut des arbres des Plessis, elle a entendu cette voix de clocher, comme une voix domestique qui l'appelait à sa cage, et elle a obéi, sans prévoir, hélas ! les tribulations qui l'attendaient, et qui ont eu pour témoin tout le village de Saint-Leu.

Au parc de Boissy, elle n'entendait pas la cloche de son village. Aussi a-t-elle fait un assez long séjour sur les arbres de ce château. Pourquoi a-t-elle quitté ce paradis terrestre, où rien ne lui manquait, où rien ne la troublait ? Ici est un mystère, et j'ai essayé de l'approfondir. Son instinct lui disait bien qu'elle était dans le vrai domaine des perruches, dans une belle forêt indienne, sous un ciel chaud. Mais elle cherchait aux environs tout ce que cette nature maternelle devait lui donner, à savoir, des perruches sur les branches, des cannes à sucre, des rizières et des singes pourvoyeurs. Au lieu de cola, qu’a-t-elle vu ? Une bande d'enfants, pris pour des singes, qui émiettaient du pain sur le gazon, et ne montaient jamais sur les arbres. Il y avait de quoi bouleverser un cerveau de perruche. Aussi, pour se délivrer de ce tableau qui troublait son instinct, elle a pris son vol au-dessus des arbres du château, et, ayant aperçu dans le lointain l'oasis des Plessis, au centre d'une plaine de blé mûr, elle a déménagé tout de suite, et c'est là qu'elle a entendu la cloche de Saint-Leu.

Un matin, M. Adrien, l'habile chorégraphe de la Porte-Saint-Martin, arrive et me dit :

- Tout le village est en rumeur : la perruche est dans le clocher de l'église !

S'il est permis de comparer les petites choses aux grandes, comme dit le poète divin8, je pris la pose stoïque donnée à Napoléon par le peintre Gérard dans le tableau de la Bataille d'Austerlitz. Rapp, tout essoufflé, arrive pour annoncer, comme une nouvelle inattendue, la victoire. L'empereur le regarde et semble lui dire : je la connaissais avant vous.

Nous descendîmes sur la place de l'église. La foule y accourait. Saint-Leu n'avait jamais vu de perruche. C'était un événement. Tous les yeux arpentaient le clocher, depuis la base jusqu'à son coq doré, servant de girouette. Mais personne ne voyait une plume verte. Cependant le doute n'était pas permis. Plusieurs personnes dignes de foi, entre autres le gardien des tombes de l'église, M. Decroix, son plus proche voisin, et M. Thomas Chassain, propriétaire de l'hôtel de la Croix-Blanche, affirmaient que l'oiseau avait passé la nuit dans la cage du clocher, mais qu'il courait probablement la campagne à cette heure.

La foule s'obstina toujours à regarder le clocher.

Cette conduite de l'oiseau était naturelle. Il était accouru à une voix connue, qui lui rappelait tant de festins et de friandises. Mais, n'ayant trouvé aucune main généreuse à côté de la voix, il avait bien fallu songer à se mettre en quête du repas du matin. L'appétit de ces oiseaux est impatient du moindre retard.

On sait que le village de Taverny est la continuation de Saint-Leu. Ces deux localités pourraient avoir le même nom. Or, ce jour-là, M. Fallet, boulanger à Taverny, se promenant dans son jardin, entendit un grand bruit d'ailes et de feuilles du côté d'un cerisier, et, avançant avec précaution, il assista de très près à un curieux spectacle, dont il nous a fait le compte rendu. Son récit nous permet de supposer que les choses se sont passées comme nous allons les décrire pour les besoins de l'anecdote.


Avec cette promptitude de coup d'œil dont jouissent tous les oiseaux, même dans leur vol le plus rapide, la perruche découvrit un arbre coloré à l'indienne. C'était un cerisier chargé de fruits. Le rouge est l'aimant d'un bec. Notre héroïne s'abattit sur cet arbre, qui lui rappelait le caquier de l'Inde. Elle éprouva sans doute une joie vive en voyant flotter autour d'elle ces grappes savoureuses de rubis, qui promettaient un festin inépuisable. Les oiseaux ont aussi leurs destinées, habent sua fata. Le bec de la perruche s'ouvrit et se referma. Un frisson la saisit. Elle aperçut devant elle un oiseau qui ne parlait pas sa langue. Chez les animaux, comme chez les hommes (avant 1815), tous ceux qui ne parlent pas la même langue sont ennemis. C'était une pie, qui venait exercer son métier de voleuse sur les cerises de M. Fallet. La gazza ladra prit la perruche, oiseau inconnu, pour un gendarme vert, et se précipita sur elle pour la poignarder d'un coup de bec. Les deux armes rostrales de ces deux oiseaux ne sont pas de même dimension. C'est le sabre court du dragon, croisé avec la lance du Cosaque. Notre perruche soutint bravement l'honneur de son uniforme. Elle se servit d'une branche épaisse comme d'un bouclier, et n'exposant pas une plume au bec de son ennemie, elle dardait vivement le sien, et le retirait avec la promptitude de l'éclair, genre d'escrime qu'aucun maître ne lui avait appris, et qui aurait étonné Grisier9. Cette lutte dura un long quart d'heure, et M. Fallet lui donna le même intérêt qu'un Espagnol eût accordé à un combat de taureaux.

Désespérant de vaincre et craignant d'être vaincue, la pie s'envola vers la forêt, et la perruche, rajustant ses ailes, et ne se croyant pas en sûreté sous les feuilles de cet arbre, chercha un asile à la Chaumette, petit faubourg de Saint-Leu, où les arbres et les eaux ne manquent pas.

Pendant une semaine, la perruche cacha ses jours dans les verts massifs de la Chaumette. Elle craignait les pies. Mais tous les soirs, après l'angelus, elle regagnait son gîte du clocher, espérant toujours y trouver sa cage chérie, si follement abandonnée, pour cette illusion trompeuse qu'on appelle la liberté des champs.

Elle donnait ainsi à chaque instant un démenti à cette fameuse maxime : Une liberté orageuse est préférable à un esclavage tranquille10. Son orageuse liberté lui devenait intolérable, et elle aurait donné toute la vallée de Montmorency pour son petit ermitage grillé, où elle recevait tant de caresses, de sucreries, de graines de tournesol, sans le souci du lendemain. Elle avait adopté cette autre maxime du peuple qui passe de l'anarchie à la dictature : La sécurité vaut mieux que la liberté11.


Hélas ! notre jeune héroïne devait... mais n'anticipons pas sur les événements, comme disait le bon Ducray-Duminil12, à l'âge d'or du roman in-12, mal imprimé sur papier gris, mais sentimental.

À cause de son éloignement du chemin de fer, le village de Saint-Leu a conservé les privilèges agrestes des hameaux de Gessner et de Florian. Toutes les hirondelles de la vallée de Montmorency, effrayées par les wagons, les sifflets et la fumée noire, se sont réfugiées sous les toits paisibles de Saint-Leu. Là, elles goûtent le repos des anciens jours. Elles bâtissent leurs nids, établissent leurs familles, et ne craignent pas qu'un convoi brutal vienne emporter tous ces bonheurs domestiques, célébrés par Florian. À Saint-Leu, on peut encore chanter la romance :

Que j'aime à voir les hirondelles

À ma fenêtre, tous les ans13, etc.

Dans la grande rue de Saint-Leu, ces jolis oiseaux si bien décrits par Toussenel, notre grand naturaliste, sont si familiers, qu'ils deviennent dangereux. Sous prétexte d'annoncer la pluie aux agriculteurs, ils rasent joyeusement la terre, et, dans leur vol étourdi, ils effleurent d'une aile aiguë les joues et les yeux des passants qui ne sont pas agriculteurs. À cet inconvénient près, rien n'est charmant comme le jeu vif de ces filles de l'air, de ces sylphes d'avril, de ces éclairs ailés.


Les hirondelles se méfient des clochers, et leur instinct maternel a bien raison. Elles savent que, dans les trous de ces édifices, logent ces nocturnes oiseaux de proie qui ravagent les nids, et font pleurer les mères à l'ombre des peupliers, populea sub umbra. Les oiseaux sont toujours en pays ennemi, et ils ne sauraient prendre trop de précautions.

Les hirondelles d'âge mûr avaient visité le clocher de Saint-Leu, et le résultat de l'enquête était satisfaisant : un clocher tout neuf, bâti en 1850, aux frais du prince Louis-Napoléon14, un bijou de clocher à mettre sous cloche. Pas une crevasse, pas une fissure, pas un domicile pour un hibou. Nycticorax in domicilia15, comme dit le Psalmiste. Il n'y avait donc rien à craindre pour les nids et les œufs de ce côté, au moins pendant un demi-siècle, et on voyait la mère se réjouir de ses enfants, matrem fïliorum lœtentem16.

Tout à coup, une hirondelle, la première de toutes, celle qui n'avait pas fait le printemps, une hirondelle levée avec l'aurore, rase le clocher neuf, et aperçoit un oiseau vert, non classé dans l'ornithologie de Saint-Leu, secouant à l'air ses plumes humides, et aiguisant un bec crochu sur une clef d'ogive. Il fallait bien admettre le péril : c'était, pour l'hirondelle, un hibou déguisé, un hibou malin qui se peignait en vert pour tromper l'espion. L'hirondelle sonna l'alarme, et cria le danger sur les toits : une étincelle électrique courut sur deux corniches de nids. On tint un conseil d'ancêtres, au pied d'une cheminée. On prêcha la croisade contre l'oiseau de proie du clocher.

La perruche ne se doutait nullement de ces alarmes. Elle cherchait toujours sa cage, et vint se percher sur le toit de l'hôtel de la Croix-Blanche17, où s'arrêtent les omnibus du chemin de fer. Ainsi posée, dans un isolement absolu, elle ressemblait à cet oiseau dont parle l'Écriture, passer solitarius in tecto18.


À cet instant, une grêle noire d'hirondelles tombe sur le même toit, avec des cris aigus. Tous les enfants de Saint-Leu prennent parti pour la perruche, et battent des mains pour épouvanter les hirondelles. Notre héroïne montre le bec aux oiseaux du printemps, lesquels, ne se croyant pas en force contre un pareil bec, battent en retraite, et vont chercher des renforts pour faire le siège de la perruche. Dans le village, tous les travaux sont abandonnés, chacun veut assister à la bataille. On nous envoie une dépêche télégraphique : nous accourons pour faire entendre notre voix et jouer le rôle de l'Autriche... La perruche s'effraye de ce concours de peuple, elle plonge du toit, et se perd dans l'épais massif d'un noyer qui est dans la cour de l'hôtel de la Croix-Blanche.

Une perruche sur un noyer chargé de noix crevassées, c'est comme un avare en pleine mine californienne. Notre héroïne ne se possédait pas de joie. Elle avait oublié les pies, les hirondelles, les cerisiers : elle avait trouvé un restaurant éternel.

On vit courir au même instant un nuage noir sur la ligne des toits : c'était un vol effrayant d'hirondelles. Les oiseaux montrèrent beaucoup de courage, quand ils ne trouvèrent pas l'ennemi. Ils visitèrent le toit de la Croix-Blanche et sondèrent de l'œil les cheminées. Ce devoir accompli, le vol se dispersa, et chaque famille rentra dans son nid suspendu.


Nous avons pu étudier les hirondelles dans cette occasion, et nous avons compris qu'elles n'avaient nullement l'intention d'attaquer le redoutable oiseau. Leur plan de campagne n'avait au fond rien de belliqueux. Elles voulaient se réunir en masse compacte, effrayer l'ennemi, et le chasser du territoire de Saint-Leu, propriété exclusive des hirondelles.

Si le rare souvenir de la cage n'eût pas troublé de temps en temps notre perruche, son existence commençait à prendre toutes les conditions du bonheur. Que lui manquait-il ? Elle avait un noyer, à la fois retraite sûre et table délicate. Et la nuit, elle avait un gîte dans le clocher.

Elle a passé douze jours dans le noyer de la Croix-Blanche. Nous allions souvent rôder autour de l'arbre, dans l'espoir de la ramener, en lui faisant entendre des voix amies. Elle ne reconnaissait pas ces voix, qui n'avaient jamais retenti à ses oreilles au grand air de la campagne, et perdaient, autour du noyer, la gamme intérieure du salon.

Les animaux sont tous forts reconnaissants des services rendus. La reconnaissance est fille de l'instinct, l'ingratitude est fille de la raison. Bien plus, les animaux, n'ayant pas, comme nous, la perception nette des objets extérieurs, sont reconnaissants envers tout ce qui les oblige, hommes ou choses. Ainsi, notre perruche regardait son noyer et son clocher comme deux bienfaiteurs. L'un la garantissait contre les dangers de la faim, l'autre contre les dangers de la nuit. Chaque jour augmentait ce sentiment de gratitude. Et l'oiseau, instruit par une longue expérience de douze jours et ayant mieux réglé sa vie, et connaissant mieux ses gîtes et ses chemins, évitait de se montrer au crépuscule du matin et du soir sur les aspérités saillantes du clocher, de peur de provoquer une seconde fois la formidable insurrection des hirondelles de Saint-Leu.

Oui, faites des projets d'avenir en ce monde. L'imprévu est toujours là, embusqué sur votre route, et il bouleverse tout.

Si nous n'avions, comme garants de notre récit, tous les habitants d'un village voisin, nous n'oserions écrire la suite de cette histoire. D'ailleurs, il y a des péripéties qu'il est impossible d'inventer, si le hasard ne les invente pas. Aucun mensonge de fabuliste ne se glisse dans notre récit. Jamais histoire ne mérita mieux son nom.

Le Conseil municipal de Saint-Leu avait voté la dépense d'une horloge magnifique pour le clocher de l'église : une horloge de ville, une horloge sérieuse, signée Lepaute, comme celle qui a l'honneur de se faire entendre au Louvre, entre les statues de Jean Goujon.

Cette horloge, complément nécessaire de la jolie église de Saint-Leu, devait débuter le jour de la fête du village. Fête charmante, encadrée par la belle place de la mairie, et ombragée par la forêt voisine, qui prête ses arbres aux promeneurs.

Un soir, après huit heures, la perruche quitte son noyer chéri, et va, selon l'habitude, s'établir sous une corniche du clocher. Elle avait mis le bec sous l'aile, et dormait tranquille, comme au désert, sur la pierre d'une pagode, inaccessible aux serpents, ces nocturnes ennemis des oiseaux, lorsqu'elle fut réveillée en sursaut par une voix inconnue, qui éclatait sous ses pattes : c'était l'horloge !... Elle sonnait, pour la première fois, neuf heures, et avec cette plénitude de moyens qui accompagne toujours le début d'un ténor vierge de si bémol, et d'une horloge encore exempte d'humidité.

L'inconnu est effrayant pour les hommes, et surtout pour les oiseaux. À leur apparition, le feu grégeois, le canon et l'arquebuse à croc ont épouvanté les plus braves. Notre perruche bondit neuf fois sous l'ogive, et trembla convulsivement de toute la longueur de ses plumes. Cependant, comme elle comptait sur l'amitié jusqu'alors si fidèle de son clocher protecteur, elle crut avoir mal entendu, ainsi qu'il arrive souvent chez nous, lorsqu'un ami nous décoche une première épigramme en public. Avant de se brouiller, on attend la seconde. Notre pauvre oiseau attendit donc, et son ami le clocher redevenant muet et bon, elle se rendormit. Au coup de dix heures, elle se réveilla encore en sursaut, et le silence de la nuit augmentant l'intensité du son, elle se crut brutalement expulsée de son asile, et se laissa tomber, demi-morte de frayeur, sur un toit voisin. Cette nuit fut horrible. Pour comble de malheur, les jeunes Parisiens qui sortaient du bal de la fête, traversaient la rue en hurlant avec mélancolie ce qu'on appelle de gais flonflons. Il y avait de quoi perdre la tête pour une simple perruche, destinée à la vie des solitudes indiennes. Les douze coups de minuit, éternellement répétés par l'écho de la montagne, complétèrent la désolation du malheureux oiseau. Il lui paraissait désormais impossible de se réconcilier avec un clocher qui la poursuivait dans son repos par une obstination si évidente. Il n'y avait plus d'asile pour elle, plus de protection, plus d'ami. Les premières lueurs de l'aube la trouvèrent pâle d'insomnie et de terreur sur la gouttière de la maison de M. Maréchal.

Le jour qui allait suivre devait continuer les angoisses de la nuit.

Ce fut encore une hirondelle qui donna l'alarme, en apercevant le terrible oiseau dans le domaine sacré des nids. Cette fois, les oiseaux du printemps résolurent de frapper un coup décisif.

On envoya des ambassadeurs aux hirondelles du village de Taverny. On proposa une ligue offensive et défensive : il s'agissait des intérêts généraux de la grande banlieue, menacés par un Attila vert, et d'autant plus redoutable qu'il était seul

Dans un instant, un nuage d'hirondelles couvrit Saint-Leu, et, chose étonnante ! cette armée, la plus nombreuse que les hirondelles aient mise sur pied, n'osa point attaquer la perruche. C'était toujours le même système, le même plan. L'oiseau, qui ne se croyait pas si redoutable, s'effraya, prit son vol au hasard et se perdit dans un immense tourbillon d'hirondelles. Un calcul de chasseur expert évaluait leur nombre à trois mille. Tout le village était en émoi. On s'attendait, à chaque instant, à voir la perruche tomber morte du haut du nuage ennemi. Cet étrange combat d'une multitude contre un seul être dura tout un jour. Ce fut un jour férié pour Saint-Leu. On suspendit la récolte des fruits. On oublia les soins du ménage et de l'agriculture. Tous les yeux, détachés de la terre, regardaient la mêlée orageuse du ciel. C'était l'inverse des jeux du Cirque. La lice s'arrondissait dans les sommités de l'air, le drame se jouait sur la tête du parterre. À tout moment, de nouvelles recrues arrivaient, car les cris d'alarme avaient retenti sur les nids de Franconville, de Saint-Prix, d'Ermont et de toute la ligne du chemin de fer. Quand le nuage s'abaissait, on voyait la perruche héroïque distribuant des coups de bec aux téméraires qui l'approchaient de trop près. Il n'y a qu'un exemple d'une pareille défense dans l'histoire : c'est Alexandre le Macédonien luttant seul, dans la ville des Oxydraques19, contre une nuée d'ennemis, et encore le héros de Macédoine était cuirassé de pied en cap, ce qui met la comparaison à l'avantage de la perruche de Saint-Leu.

Enfin, notre pauvre héroïne, ayant épuisé ses forces dans une lutte surhumaine, et ne trouvant plus de soutien dans le mécanisme épuisé de ses ailes, fit un effort suprême : elle perça la ligne inférieure de l'ennemi et tomba, en tournoyant, sur le toit de la maison de M. Maréchal. Là, résolue d'attendre la mort, elle enfonça son bec dans une gouttière et se voila de ses ailes, comme César de son manteau.

M. Maréchal prit une échelle, aux applaudissements de tout le village, monta sur le toit de sa maison et s'empara de l'oiseau, sans éprouver la moindre résistance.

Nous n'avons pas assisté à cette lutte dernière : elle nous a été racontée par M. Lucien Pigny, le propriétaire des bains charmants de Saint-Leu. Nous vîmes, avec joie, arriver M. Adrien et M. Maréchal qui rapportaient la perruche, au milieu de tous les enfants du village. L'oiseau fut aussitôt replacé dans sa cage. Il secoua ses plumes, prit un bain d'eau fraîche, poussa un cri joyeux, et, avec cette heureuse insouciance, privilège des oiseaux, il tendit le bec à un grain de sucre, le prit avec sa patte, comme avec une main, et continua sa vie de perruche esclave, absolument comme si rien ne l'avait interrompu dans sa douce sérénité.

L'armée des hirondelles est rentrée dans ses quartiers. Le calme est rétabli partout. Le souvenir de ces événements subsistera longtemps à Saint-Leu. Ils ont déjà fait et feront encore l'entretien des longues veillées de l'hiver.


Rapide biographie de Joseph Méry


Joseph Méry est né aux Âygalades, près de Marseille, le 22 janvier 1797. Il passe quinze mois en prison à 17 ans pour avoir publié dans un petit journal de Marseille un pamphlet contre un inspecteur en chef des collèges, enjoignant expressément aux professeurs de donner les prix à ceux des élèves qui remplissent avec le plus de ponctualité leurs devoirs religieux, sans prendre en compte le mérite, le travail ou le talent. Il commence son activité professionnelle comme journaliste à Marseille. Son extrême facilité d’écriture le fait remarquer des rédacteurs en chef parisiens, dont celui du Constitutionnel. La Villéliade, pamphlet qu’il écrit contre le comte de Villèle, premier ministre de 1821 à 1828, tiré à 12 000 exemplaires au départ et vingt-huit fois réédité jusqu’en 1830, le lance dans les cercles politico-littéraires de la capitale, ce qui attire sur lui l’attention, puis l’amitié d’écrivains en vogue : Sainte-Beuve, Dumas, de Nerval, Nodier, Balzac, Gautier… Il se lie avec Auguste Barthélémy (1796-1867), compatriote marseillais, avec qui il écrira plusieurs ouvrages. Il publie aussi des poèmes, ce qui lui vaudra en particulier la sollicitude de Victor Hugo. La révolution de 1830 l’amène à prendre le fusil pendant trois mois, ce qui donnera le poème l'Insurrection. Déçu par les suites mesquines et inattendues de ces journées, pourtant porteuses de tant d’espérance, il se replie sur Marseille, où il poursuit son activité journalistique et littéraire. Mais Paris le réclame et il fait de nombreux séjours dans la capitale, ou plutôt à Chatou, où il a sa maison de campagne. Il fréquente les salons du duc de Choiseul, mais son lieu de prédilection est le domicile de Victor Hugo, place Royale, puis rue de la Tour d’Auvergne. « Jamais un nuage de jalousie ne troubla ces deux grandes amitiés de l'auteur d’Héva et de l'auteur de Ruy Blas », écrit son biographe, Eugène de Mirecourt, qui rajoute ce fait surprenant :

« Pour en finir avec cette prodigieuse facilité de Méry, qui était l'un des plus grands étonnements de son illustre confrère, nous raconterons une dernière anecdote, que Victor Hugo lui-même a racontée cent fois.

C'était un jeudi de mars. Nos deux poètes avaient déjeuné ensemble.

En quittant la place Royale, ils rencontrent sur le boulevard Anténor Joly et Ferdinand de Villeneuve.

- Maître, dit Anténor à l'auteur d’Hernani, quand donc nous ferez-vous un drame ?

- Êtes-vous pressé ?, demande Victor Hugo.

- Très pressé.

- Alors, voilà Méry qui vous en fera un, et qui viendra vous le lire chez moi, lundi prochain, à midi.

Le poète parlait sérieusement. Son compagnon ne sourcillait pas, bien qu'il n'eût jamais travaillé pour le théâtre. « Mais, pour tout au monde, dit-il lui-même dans une de ses préfaces, je n'aurais voulu faire mentir le grand maître avec lequel je me trouvais ». Au jour et à l'heure fixés, Méry lut aux futurs directeurs de la Renaissance la trame de la Bataille de Toulouse. Ce drame eut cent représentations. Depuis dix-huit ans, les troupes de province ne cessent de le jouer »20.

Décrire le reste de sa vie, serait décliner sa bibliographie complète, tant cet écrivain est prolixe. Il tâtera de tout : articles, nouvelles, romans, poèmes, pièces de théâtre et même livrets d’opéra (cf. ci-après quelques éléments de bibliographie).

Quand il meurt, le 17 juin 1866, tout Paris vient à ses obsèques, car il n’a pas d’ennemis. Voici ce qu’écrit de lui un chroniqueur de la revue Echo de la France21 :

« La littérature contemporaine comptait peu d'écrivains plus élégants, plus ingénieux, plus richement doués. Il y avait en lui un mélange de l'esprit de Voltaire et de l'imagination de Lamartine. Classique par goût et par éducation, poète plein de souvenirs de Virgile et d'Horace, improvisateur toujours prêt à jeter sur le papier des strophes aux rimes sonores, conteur spirituel d'une verve intarissable, passant des plus joyeux éclats de rire aux cris d'admiration les plus enthousiastes, causeur étincelant qu'on ne se lassait jamais d'entendre, il a touché à tous les genres, à l'épopée, au roman, à la comédie, à l'ode, à la satire, et il n'a laissé aucun chef-d'œuvre immortel. C'est la faute du temps où il a vécu. Il n'a pas résisté à la tentation d'abuser de sa facilité, d'écrire à la hâte, de penser au jour le jour, de faire de la poésie une arme d'opposition. Emporté dans ce tourbillon qu'une de ses victimes a nommé "la vie de Bohême", il ne s'est jamais recueilli pour faire concourir toutes les facultés de sa belle intelligence à la création d'un monument littéraire plus durable que l'airain ».


Eléments bibliographiques 

  1. - Joseph Méry a publié 69 ouvrages en prose ou en vers, dont certains en trois ou quatre volumes. Citons, parmi les plus illustres la série sur Les Nuits (de Londres, anglaises, italiennes, espagnoles, parisiennes, d’Orient). Le livre que ses contemporains ont le plus retenu semble être Héva, paru en 1843 et qui constitue la première partie d'une trilogie comportant La Floride et La guerre du Nizam. Le succès de cette série, qui fut publiée en feuilletons dans La Presse, permit la survie de ce journal, en mauvaise posture à l'époque. La chasse au chastre est une série de nouvelles, d’abord publiée en feuilletons à partir de 1854, et qui fut éditée en totalité en 1860. Il convient d’ajouter à cette liste dix-sept ouvrages écrits en collaboration avec Auguste Barthélémy (dont l’Insurrection, en 1830) et deux avec Gérard de Nerval.

  2. - On connaît de lui seize pièces de théâtre, dont La Bataille de Toulouse, ou un Amour espagnol, drame en 3 actes, en prose, joué le 11 avril 1836 au Théâtre Beaumarchais à Paris.

  3. - La postérité a surtout retenu de lui six livrets d’opéras, écrits seul ou en collaboration. Les pièces les plus célèbres sont : Sémiramis, opéra en 4 actes de Gioachonino Rossini (1860) et Don Carlos, opéra en cinq actes de Giuseppe Verdi (écrit avec Camille du Locle et joué en 1867).

- Passionné de jeux (de hasard, mais aussi d’échecs, où il excelle), Joseph Méry fonde en 1836, avec Louis Mahé de La Bourdonnais, la première revue échiquéenne, Le Palamède. Il publie un recueil de règles de jeux intitulé L'Arbitre des jeux, accompagné de poèmes sur ce thème. Ces ouvrages restent encore des références pour les joueurs d’aujourd’hui.

À signaler par ailleurs deux biographies de Joseph Méry :

- Eugène de Mirecourt, Méry. Deux éditions : l’une en 1858, au plus fort de la gloire de l’écrivain, chez Achille Faure, Paris, 96 pages (dont un portrait de Méry). Texte en ligne disponible sur le site Gallica de la BNF :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k200603c.pdf (en mode image seulement)

ou sur Google Books http://books.google.fr/books?id=VMQ-AAAAYAAJ&printsec=frontcover&dq=Mirecourt+Méry&ei=ivPISvPgCo34Nb3YkNwD#v=onepage&q=&f=false (disponible également en mode texte) ;

l’autre en 1867, juste après la mort de l’écrivain, 71 pages. Texte disponible sur Google Books : http://books.google.fr/books?id=VMQ-AAAAYAAJ&printsec=frontcover&dq=Mirecourt+Méry&ei=ivPISvPgCo34Nb3YkNwD#v=onepage&q=&f=false (en mode texte).

- Gustave Claudin, Méry : sa vie intime, anecdotique et littéraire, Paris, Bachelin-Deflorenne,1868. Disponible en ligne sur Gallica (BNF) :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k200087s.pdf# (en mode image seulement)





Documentation réunie par Hervé Collet,

octobre 2009.

Portrait de Joseph Méry en frontispice de la

biographie publiée par Eugène de Mirecourt.



Publié sur le site de Valmorency (Association pour la promotion de l’histoire et du patrimoine de la Vallée de Montmorency) : www.valmorency.fr

Tous droits d’auteur réservés. Reproduction soumise à autorisation avec citation de la source (contact : collet.hym@wanadoo.fr)





1 Méry (J.), Un chat, deux chiens, une perruche, un nuage d'hirondelles, in La chasse au chastre, Paris, Michel Lévy frères, 1860, 301 pages. pp. 121-167.

2 Joseph Méry est devenu très tôt bonapartiste et a entretenu pendant de longues années des relations avec la famille impériale en exil, composée de la reine Hortense et ses deux fils. Il est probable qu’en se rendant à Saint-Leu, il a voulu effectuer une sorte de « pèlerinage » au haut lieu napoléonien que constituait à cette époque Saint-Leu, devenu Napoléon-Saint-Leu. Napoléon III a rendu hommage à cette fidélité en accordant une rente à Joseph Méry, à la fin de sa vie, alors qu’il était devenu presque aveugle et sans grandes ressources.

3 On connaît donc l’adresse du domicile de Joseph Méry durant son séjour à Saint-Leu.

4 Le château et le parc de Boissy, fief des Montmorency depuis le XIIe siècle, rendez-vous de chasse du prince de Condé, propriété de M. Lefèvre (futur Lefèvre-Pontalis), notaire à Paris, est situé sur la commune de Taverny. Cf. : « Histoire générale de Taverny ».

5 Virgile, Géorgiques (Mort d'Orphée).

6 En réalité, au Plessis-Bouchard.

7 Nous sautons un passage, qui est une longue digression sur un chat appartenant à Joseph Méry alors qu’il se trouvait à Marseille : perdu dans les mêmes conditions que la perruche, ce chat a retrouvé sa route grâce au son d’une horloge communale, après maintes péripéties.

8 Il s’agit de Virgile. Cicéron a repris cette citation dans son essai « De optimo genere oratorum » (« Des orateurs parfaits » en 56 A. C.

9 Augustin Edme François Grisier était un maître d’armes et un écrivain spécialisé dans des ouvrages sur l’escrime et plus particulièrement sur le duel. Cf. Augustin Edme François Grisier, Alexandre Dumas, Roger de Beauvoir, Les armes et le duel, Paris, Garnier frères, 1847, 583 p.

10 Cette maxime est de Lakanal (en 1838), qui l’a empruntée à une harangue révolutionnaire sur les colonies françaises (septembre 1790) évoquant Rousseau : « Citoyens ! vous ne balancerez pas sans doute sur le choix. Une liberté orageuse vous paraîtra préférable à un gouvernement despotique, tranquille à la vérité , mais dont le repos est celui de l'anéantissement et de la mort ». Joseph Méry cite en note la maxime latine "malo periculosam libertatem quam quietum servitium", extraite du Contrat Social de Rousseau, livre III, chapitre 4. Cette citation a été reprise comme sujet du Bac de philosophie en 2000.

11 Il semble que cet adage, abondamment repris de nos jours, soit de Joseph Méry lui-même. Nous ne lui avons pas trouvé de précédent.

12 François-Guillaume Ducray-Duminil, né en 1761 à Paris et mort le 29 octobre 1819 à Ville-d’Avray, est un écrivain spécialisé dans les romans pour la jeunesse. La citation est tirée de son livre Paul ou la ferme abandonnée, Paris, Le Prieur, 1802.

13 Musique de Devienne, paroles de Jean-Pierre Claris de Florian (6 mars 1755 près de Sauve - 19 septembre 1794 à Sceaux).

14 L’église de Saint-Leu – Saint-Gilles a été consacrée le 30 octobre 1851, en présence du prince-président Louis-Napoléon.

15 Comme la hulotte domestique (chouette noire qui ressemble au corbeau), in Ps. 110, verset 7,8.

16 Citation de Saint Paul in Epitre aux Galates, 1, 15. « Cette Mère des fils de Dieu qui se réjouit de sa progéniture ».

17 L’auberge de La Croix-Blanche, fondée en 1640 par « la mère Bontemps », l’auberge la plus célèbre de Saint-Leu-Taverny, était située face à l’entrée du château de la reine Hortense, près de la Place de La Forge, au centre de Saint-Leu. Cf. : « Brève histoire de Saint-Leu ».

18 Le moineau solitaire dans le toit. Psaume 101,8.

19 Cf. Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, 1843, rubrique Alexandre le Grand : « Arrivé à la jonction de l’Hydaspe avec l’Acésines, Alexandre débarqua ses troupes, et alla faire la guerre aux Malliens et aux Oxydraques, qui n’avaient pas voulu se soumettre. Assiégeant la ville des Oxydraques, il monta le premier à l’assaut ; mais les échelles s’étant rompues, il resta seul sur le mur, en butte aux traits des ennemis. Ses soldats lui tendaient les bras, et lui priaient de se jeter au milieu d’eux ; il aima mieux s’élancer dans l’intérieur de la place, et se vit bientôt assailli par une foule d’ennemis. Il se défendit seul longtemps, reçut une grave blessure et aurait fini par succomber, si les Macédoniens ne fussent parvenus à s’emparer de la ville. Alexandre ne tarda pas à se rétablir ; mais ses soldats, ne le voyant pas paraître durant plusieurs jours, crurent qu’il était mort ». 

20 Eugène de Mirecourt, Méry, 1858, p. 72.

21 A. Marc, L'Echo de la France, 1866, Page 216.