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ILS ONT HABITÉ DEUIL
Olivier Lefèvre d’Ormesson, grand commis de l’état et fondateur d’une prestigieuse lignée
Olivier Lefèvre (1525-1600), en acquérant le fief d’Ormesson à Deuil, en 1564, prend le titre de Lefèvre d’Ormesson. Il sera le premier d’une longue et illustre lignée (dont est issu l’académicien Jean d’Ormesson). Il acquiert d’autres terres dans la Vallée de Montmorency, en particulier la seigneurie de la Cour-Charles et le fief Fromont à Eaubonne1. Ce grand serviteur de l’État, époux d’Anne d’Alesso, est d’abord intendant, puis contrôleur général des finances en 1573 sous Charles IX (roi de 1560 à 1574). Henri III (roi de 1574 à 1589) se rend à plusieurs reprises, dans les années 1584-1586, au château d’Ormesson, qu’il trouve à ce point charmant qu’il fait pression pour l’acheter, mais en vain. Olivier Lefèvre d’Ormesson devient président de la Chambre des comptes en 1579. Il est le premier à reconnaître Henri IV (roi de 1589 à 1610) et reçoit le nouveau roi à Deuil, qui apprécie particulièrement le vin du pays. D’Ormesson est fondateur, avec son ami Michel de l’Hôpital, du parti des Politiques. Pendant les cinq années de troubles de la Ligue, de 1588 jusqu’en mars 1594, son château est le refuge des pauvres gens des alentours qui fuient les horreurs de la guerre civile. Il renoue ainsi avec une tradition séculaire d’hospitalité : 200 familles sont accueillies, ce qui montre l’importance du domaine. En 1600, au retour des fêtes de la Pentecôte qu’il vient de passer à Ormesson, un chien fait peur à sa monture et il fait une chute mortelle.
L’incroyable seigneur Puget de Montauron
Pierre Puget de Montauron naît vers 1592 en Guyenne. Il séduit sa cousine germaine, qu’il n’épouse pas2, mais qu’il rend mère de trois enfants, dont une fille, Marie. À force d’escroquerie et de concussion dans ses emplois successifs, il arrive à se constituer une fortune considérable, qu’il amasse au cours d’une carrière reposant sur le seul souci d’acquérir argent et influence. C’est ainsi qu’il devient en 1631 conseiller et secrétaire du roi, maison et couronne de France. Son train de vie lui vaut le surnom de « son Eminence Gasconne ». Il reçoit dans son hôtel de Bordeaux tous les grands personnages de l’époque. Sa renommée devient telle que les marchands vendent des petits pains « à la Montauron », que les nobles et les bourgeois s’habillent « à la Montauron », etc. Corneille lui-même, toujours à l’affût de remplir ses caisses, lui dédie son Cinna vers 1640, moyennant espèces sonnantes trébuchantes (200 pistoles), ce qui donne lieu à une nouvelle mode : les dédicaces « à la Montauron ». Le poète Scarron, un de ses familiers, lui adresse (on ignore à quel prix), un sonnet commençant de la façon suivante :
Puget dont le mérite a gagné l’amitié,
De tout ce que la France a d’âmes généreuses
Aujourd’hui que la guerre a banni la pitié,
Que deviendraient sans toi les vertus malheureuses ?
Montauron achète le château de la Chevrette en 1636. Mais à force de prodigalités, il s’achemine vers la banqueroute, tant et si bien qu’il est acculé à vendre la Chevrette en 1645 et à se retirer en Guyenne, avec quelques allers-retours à Paris, chez son gendre Tallement des Réaux. Il meurt en juin 1664 à Paris, où il est inhumé en l’église Notre-Dame des Champs.
Particelli d’Emeri, le fastueux
Michel Particelli d’Emeri (1596-1650), fils de Dominique Particelli qui a fait banqueroute à Lyon, épouse le 7 octobre 1616 Marie Le Camus (1566-1648). Il devient contrôleur général des finances en 1643, puis surintendant des finances en 1648. Il achète le 19 mars 1645 la Chevrette et la Barre le 7 août de la même année.
« Le surintendant était alors un paysan siennois3, nommé Particelli Émeri, dont l'âme était plus basse que la naissance, et dont le faste et les débauches indignaient la nation. Cet homme inventait des ressources onéreuses et ridicules. Il créa des charges de contrôleurs de fagots, de jurés vendeurs de foin, de conseillers du roi crieurs de vin ; il vendait des lettres de noblesse. Les rentes sur l'hôtel de ville de Paris ne se moulaient alors qu'à près d'onze millions. On retrancha quelques quartiers aux rentiers ; on augmenta les droits d'entrée ; on créa quelques charges de maîtres des requêtes, on retint environ quatre-vingt mille sous de gages aux magistrats »4.
Ce faste outrancier et les excès de la pression fiscale imposée par le surintendant des finances finissent par émouvoir Mazarin, qui condamne en juillet 1648 Particelli d’Hemery à l’exil dans une terre que ce dernier possède également en Touraine, l’éloignant ainsi de Paris et de sa somptueuse demeure de Deuil.
Ce « exil » ne sera pas long. En décembre 1648, Particelli est autorisé à séjourner à la Chevrette et l’année suivante, le 9 novembre 1649, Mazarin le rappelle aux affaires. Pour peu de temps d’ailleurs puisque Michel Particelli décède le 23 mai 1650. Il est enterré à Saint-Eustache à Paris, paroisse dont il est marguillier en charge.
Le chancelier Séguier
Michel Séguier, né à Paris en 1588, intendant de Guyenne en 1621, devient en 1624 président à mortier au Parlement de Paris. Il épouse Madeleine Fabri en 1615. Très estimé de Louis XIII, il est nommé garde des sceaux en 1633, puis chancelier en 1635. Il achète donc en 1639 le château de la Barre où il entreprend des travaux qui dureront jusqu’en 1644. Il se fait notamment aménager une remarquable bibliothèque. En attendant la fin des travaux, il lui arrive de dîner chez son voisin et ami, Puget de Montauron, qu’il a connu en Guyenne et dont il partage les manières les manières à la fois frustres et ostentatoires. Sa femme passe pour être en même temps bigote et courtisane. Le chancelier Séguier a la main lourde au moment du procès de Nicols Fouquet, propriétaire du château de Vaux-le-Vicomte, lequel est défendu par… Olivier Le Fèvre d’Ormesson. Mais Mme de Sévigné, après la mort du seigneur de la Barre, en 1672, rend hommage à l’homme d’État en ces termes : « Il est mort en grand homme : son bel esprit, sa prodigieuse mémoire, sa naturelle éloquence, sa haute piété se sont rassemblés aux derniers jours de sa vie ».
Madame d’Épinay, la grande dame de la Chevrette
Louise Florence Petronille Tardieu d'Esclavelles naît le 11 mars 1726 à Valenciennes. Son père meurt quand elle a 10 ans Après avoir été recueillie par une tante qui la méprise et l’humilie, elle est envoyée au couvent en attendant de trouver un mari. Le 23 décembre 1745, elle épouse son cousin germain, le marquis Denis La Live d'Épinay, et devient de ce fait belle-sœur de la comtesse d’Houdetot, née Lalive de Bellegarde. Elle accouche d’un premier enfant, Louis-Joseph, le 25 septembre 1746, puis d’une fille, Françoise-Thérèse (née en en 1747 et morte l’année suivante). Mais son mari est dépensier et volage. Trois ans après son mariage, il est couvert de dettes et a vendu une grande partie de la dot de son épouse. Louise obtient une séparation de biens en 17495 et réussira même en 1773 à le faire interdire6. Vivant entre le château de La Chevrette (chez son beau-père) et son hôtel parisien, Mme d’Épinay se console de ses malheurs, en 1749, avec Charles-Louis-Claude Dupin de Francueil, qui sera le père de ses deux autres enfants : Angélique, née le 1er août 1749, qui sera mariée à 13 ans au vicomte de Belzunce et Jean-Claude, né le 29 mai 1753, 7 élevé dans une ferme à Beaulieu (Normandie), ce qui lui vaudra le nom de Leblanc de Beaulieu. Ce dernier deviendra évêque constitutionnel de Rouen, puis évêque concordataire de Soissons.
À la Chevrette, Francueil réunit la première troupe de comédiens du château, dans lequel a été construit un superbe théâtre dans l’orangerie. Parmi ces acteurs, on trouve un certain Jean-Jacques Rousseau, présenté par Francueil à Mme d’Épinay en 1746, et Jean-Nicolas Dufort, comte de Cheverny, seigneur de Saint-Leu, qui vient en voisin. M. d’Épinay renfloué par son héritage et entreprend à partir de 1751 de grands travaux d’embellissement, à la Chevrette, dont il laisse la libre disposition à sa femme. Il vit pour sa part à Paris et à la Briche (à Épinay), où il installe en 1753 ses deux « protégées », les sœurs Rinteau comédiennes connues sous le pseudonyme de Verrière : Marie (née vers 1728, morte en 1775) et Claudine-Geneviève (née en 1730). Il s’éprend de Geneviève au point de commencer à dilapider pour elle son héritage8. Francueil lui-même ne tarde pas à décevoir Mme d’Épinay en devenant compagnon de débauche de M. d’Épinay et en tombant dans les bras de Marie Verrière, dont il épousera en 1777, la fille Aurore, née d’une aventure avec le maréchal de Saxe9.
Mme d’Epinay tient, l’hiver à Paris et à la belle saison à la Chevrette, un salon qui, à la différence des salons littéraires et philosophiques du XVIIIe siècle, ne comporte ni date fixe, ni thème imposé. Les rencontres sont décontractées et festives : on parle littérature, on joue de la musique et fait du théâtre. La Marquise reçoit tout ce que Paris compte d’hommes (et de femmes) de lettres adeptes des « Lumières » : Saint-Lambert, Dufort de Cheverny, Duclos, Jelyotte, d’Holbach, Desbarres, Saurin, Galiani, Sedaine, Desbarres, Helvetius, d’Alembert, Mmes de Verdelin, de Maleyssie, de Maupéou, de Meaux…
Mme d’Épinay se prend d’amitié pour Jean-Jacques Rousseau, dont elle devient la protectrice et qu’elle appelle « mon ours ». Afin de fixer dans son entourage le philosophe genevois installé depuis à Paris, elle lui propose d’occuper une petite maison à Montmorency, appelée l’Ermitage, dépendant de la Chevrette, que son beau-père a acquise en 1735. Rousseau s’y installe le 9 avril 1756. Après des relations mouvementées, guidées en grande par la jalousie provoquée par la passion que Jean-Jacques éprouve, au cours de l’été, pour Sophie d’Houdetot10, sa belle-sœur, la brouille grandit entre Mme d’Épinay et Rousseau, qui quitte l’Ermitage pour le Montlouis le 15 décembre 1757. Le philosophe, qui reste en bons termes avec M. d’Épinay, aura l’occasion de revoir une dernière fois sa « mère aux ours », au cours d’une réception donnée par le Marquis le 29 octobre 1758 à la Chevrette, où seront également présents Sophie d’Houdetot et bien entendu, Saint-Lambert.
Délaissée par Francueil, Mme d’Épinay a trouvé vers 1756 un consolateur en la personne de Melchior Grimm (cf. biographie ci-après). Mais ses relations avec ce dernier seront obérées par les nombreuses absences du baron : en 1757 pour l'armée (« Guerre de sept ans »), en 1769 pour l'Allemagne, en 1771 pour Londres, en 1773 pour la Russie. Grimm est par ailleurs d’un tempérament despotique : il est surnommé Tyran-le-Blanc !
Mme d’Épinay, après un séjour de quelques mois à Genève pour se soigner (elle y rencontre notamment Voltaire11), revient à la Chevrette en octobre 1759. Grimm est également de retour : il va introduire son ami Diderot, qui s’est brouillé avec Rousseau au début de 1758 et auquel Mme d’Épinay prête un grand intérêt. L’encyclopédiste prendra la place de « protégé » que vient de quitter le philosophe genevois. Un nouveau cercle d’amis se forme autour de la maîtresse des lieux : (outre Grimm et Diderot), l’abbé Galiani, Saurin, Suard, Damilaville, Raynal et Sedaine. L’abbé Jean-Joseph Martin, curé de Deuil depuis, qui prendra la cure de Groslay en 1867, est aussi familier du château.
Les mauvaises nouvelles arrivent en 1762 avec l’annonce selon laquelle la dette du marquis atteint un montant colossal d’environ 700 000 livres de dettes. Afin d’éviter le scandale, on destitue M. d’Épinay de sa charge de fermier général. La famille est obligée de réduire son train de vie. Mme d’Épinay fait réparer le château de la Briche pour pouvoir s’y établir. Elle profite des beaux jours pour passer ses dernières semaines à la Chevrette, qu’elle s’est résolue à mettre en location.
Elle meurt le 15 avril 1783.
L’abbé Martin, protégé de Mme d’Epinay
L’abbé Joseph-François Martin12 est nommé curé de Deuil en août 1749, appuyé par le seigneur de l’époque, M. de Lalive d’Épinay et son épouse, Mme d’Epinay : il faut préciser que l’abbé Martin a été directeur de conscience de la mère de Mme d’Epinay et a donné de sages conseils à sa fille quand celle-ci est tombée en dépression après la mort de sa fille nouveau-née, en 1747. L’abbé Martin a accompli un exploit dans ce village en obtenant un os du poignet de Saint-Eugène, tiré des reliques conservées par l’abbaye de Saint-Denis. L’abbé Martin est, comme l’abbé Maltor, un homme cultivé : il est licencié en droit de la Faculté de Paris. Comme son prédécesseur, il est très lié, aux Encyclopédistes. Diderot le décrit comme « Un gros homme dont le visage trahissait toutes ses impressions. Grimm disait que « celui qui entend le nez du curé a lu un grand traité de morale »13.
L’abbé Martin est nommé curé de Groslay à la mort de l’abbé Maltor, en 1767, poste qu’il occupera jusqu’en 1772. Il se retire en Avignon, où il décède en 1783.
Le curé Hurel, apôtre infatigable et thérapeute
Jean-Rémy Hurel, né à Marly-le-Roi, en 1766, devient missionnaire de la congrégation de Saint-Lazare. Il se prépare à partir pour la Chine et dans ce but, s’initie à la peinture et à l’art de guérir. Mais la Révolution le retient en France. Pendant la Terreur, il bat la campagne à Bessancourt, Argenteuil, Epinay, Sarcelles et surtout à Deuil. Conduit la nuit par des fidèles qui le cachent le jour, il célèbre secrètement la messe. En 1797, il est enfin autorisé à exercer son ministère au grand jour à Deuil. Après le Concordat de 1801, le curé Lagasse, qui est parti en l’an II, revient à son poste. L’abbé Hurel devient tout naturellement son vicaire, puis lui succède après sa mort en 1822. Il prodigue non seulement des secours spirituels, mais aussi des soins thérapeutiques. Il est l’inventeur d’une célèbre tisane purgative dont la formule a été amplement diffusée en 1852, grâce à un pharmacien de Villiers-le-Bel, M. Gardes14.
L’abbé Hurel est aussi poète et artiste. « Le cantique français, composé par M. Hurel en l’honneur de saint-Eugène, est chanté tous les ans. La famille Huchot conserve des chaaandeliers en bois qu’il a sculptés et il est l’auteur des peintures qui orenent la châsse de saint Eugène »15. L’abbé Hurel meurt à la cure de Deuil, le 18 janvier 1830. Son décès est unanimement déploré et une plaque commémorative est mise en place dans l’église en 1880 pour rappeler ses bienfaits.
Robert Cauchoix, inventeur de lunettes astronomiques
Robert-Aglaé Cauchoix, né à Cormeilles-en-Parisis le 24 avril 1776, embrasse en 1792 la profession d'opticien. Il présente, en 1810, au Bureau des longitudes, cent trente-cinq lunettes construites avec du flint-glass français, ce qui lui vaut l’attention des savants de la classe des sciences physiques et mathématiques de l'Institut. Il introduit en France les verres périscopiques, inventés en Angleterre par Wollaston. puis fabrique de nouvelles lunettes de spectacle, auxquelles il donne le nom de lunettes folyaldes, à grossissements variables. En 1823, il construit de nouveaux supports pour les grandes lunettes astronomiques, remarquables par leur fixité, problème qui a longtemps préoccupé les astronomes et les mécaniciens. Lors de l'exposition des produits de l'industrie de 1823, il obtient la médaille d'or. L'une des lunettes qu'il expose est choisie, à raison de sa perfection, pour l'instrument des passages de l'Observatoire de Paris. En 1827, il vend une lunette encore plus perfectionnée à la Société astronomique de Londres. En 1828, il invente un moyen pour raccourcir le foyer des lunettes et augmenter la lumière. Il présente à l'exposition de 1834 une seconde lunette de onze pouces et une lunette de treize pouces de diamètre, qui lui valent une nouvelle médaille d'or et la Légion d'Honneur. Le premier de ces instruments est fourni à l'Université de Cambridge, le second est acquis par l'observatoire d'Armagb, en Irlande. Il se retire à Deuil. Son temps se partage dès lors entre ses relations scientifiques, et les fonctions de maire de sa commune, jusqu'au moment de sa mort qui intervient le 8 février 1845, dans sa soixante-neuvième année.
George Sand. Selon Michel Bourlet16, elle vient habiter en 1824, avec son mari, dans le quartier d'Ormesson, au pavillon du Billard situé dans le parc du château Renard. Elle n’a encore que 20 ans, elle s’appelle encore Aurore Dupin et elle a épousé Casimir, baron Dudevant en 1822, dont elle a eu un premier enfant, Maurice, né le 30 juin 1823. Elle est la petite-fille de Dupin de Francueil, que nous avons rencontré précédemment, et de Marie-Aurore de Saxe, fille de Marie Rinteau/Verrière, qui a été la maîtresse de Maurice de Saxe et de M. d’Epinay. Elle connaîtra ensuite le parcours littéraire que l’on sait.
Jean-Baptiste, dit Auguste, Clésinger, gendre de George Sand, a habité au 23 route de Saint-Leu à Deuil, où il a eu un atelier (aujourd’hui disparu). Il naît à Besançon en 1814 et apprend la sculpture aux cotés de son père, le sculpteur académique Georges-Philippe Clésinger, qui fait son éducation artistique et l'emmène à Rome en 1832. Il revient à Paris puis séjourne en Suisse, à Florence, à Besançon avant de retourner à Paris en 1845. Il réalise sa première exposition au Salon de Paris en 1843, où il présente un buste du Vicomte Jules de Valdahon. Clésinger est provocateur dans les sujets qu'il traite et dans la manière dont il les réalise. Au Salon de 1847, il crée la surprise, voire le scandale, en présentant « Femme piquée par un serpent »17, sculpture aux formes avantageuses pour laquelle il pratique un moulage directement sur celle qui a été son modèle et sa maîtresse de 1844 à 1846, Appollonie Sabatier, demi-mondaine qui sera muse de Baudelaire dans des circonstances peu banales18. Le 19 mai 1847, il épouse Solange Dudevant, la fille de George Sand, qui lui donne une fille, Jeanne, surnommée Nini. L'enfant décède à l'âge de 6 ans en 1855, peu après la séparation de ses parents. George Sand en éprouve un immense chagrin et part en Italie. Très attaqué par la critique pour son "François Ier à cheval" lors du Salon de 1848, Clésinger s'installe jusqu'en 1864 à Rome. Ses œuvres mythologiques ou allégoriques, ses statues équestres et ses bustes lui valent de nombreuses distinctions, dont la Légion d’Honneur (chevalier en 1849, officier en 1864). Il est notamment l’auteur de la statue de Louise de Savoie (1851), que l’on peut voir au Jardin du Luxembourg. Il s'adonne également à la peinture. Il meurt à Paris en 1883.
La famille Guillaumot, graveurs
Auguste-Alexandre Guillaumot, dit Guillaumot père, naît à Paris en 1815. Il étudie la gravure sous F. Lemaître, avec lequel il concourt, dès 1840, à d'importantes publications artistiques. Il se consacre particulièrement à la gravure d'architecture ou gravure au trait. Ses principales œuvres : le Porche sud de la cathédrale de Chartres, Sculptures relerées à Ninive, Phalanle et Ethra, d'après un bas-relief (1845-47) ; Sculptures françaises au XIIIe siècle (1849) ; Panorama d’Oran (1852) ; Statuaire de la cathédrale de Reims, admis, avec d'autres gravures, à l'exposition universelle de 1855 ; l'arc de Marly d'après un dessin original, la Sainte-Chapelle, d'après M. Adams (1857) ; Vue de Marly-le-Roi (1859) ; Vue restaurée de la demi-lune dans l'ancien parc de Marly-le-Roi, aquarelle ; Façade principale du palais du commerce à Lyon, d'après René Dardel (1864). On lui doit de nombreuses planches : Vues et Perspectives, extraites du Voyage en Perse, des Monuments de Ninive, de la Monographie de la cathédrale de Chartres, de la Statitique de Paris, etc. Auguste Guillaumot a commencé, en 1857, une publication in-folio, intitulée : Promenades artistiques dans Paris et ses environs. Il a obtenu une 3e médaille en 1845, une mention à l'Exposition universelle, un rappel en 1863, une médaille en 1864. Il meurt à Marly en 1892.
Ses deux frères, Claude-Nicolas-Eugène et Louis-Etienne Guillaumot, exclusivement livrés à la gravure sur bois, ont surtout participé, en 1854, au Dictionnaire d'architecture, de E. Viollet-Le Duc une série de planches qui ont figuré aux salons, et ont valu à chacun d'eux une médaille de seconde classe en 1855 et deux rappels en 1857 et 1863. Le fils d’Auguste-Alexandre, prénommé Auguste-Etienne (1844-1890), s’est également livré avec succès à la gravure.
Le comte de Sommariva, dernier amour de Mme d’Houdetot
Né en 1760 à Milan après des études de droit, Jean-Baptiste de Sommariva devient avocat. Il prend parti pour les Français lorsqu’ils conquièrent la Lombardie et contribue à l’administration de la République cisalpine en qualité de secrétaire général du directoire, puis de directeur en 1799. Il s’installe à Paris lorsque les Autrichiens s’emparent de la Lombardie, doté d’une immense et douteuse fortune. Il achète en 1804 le château du village d’Épinay et celui de la Briche, jadis possédés par le comte et la comtesse d’Épinay, et où il vit à la belle saison. Il fait la connaissance de Mme d’Houdetot, qui demeure à Sannois et qui a perdu son mari et son amant Saint-Lambert19. La vieille comtesse tombe amoureuse, à près de quatre-vingts ans, du gentilhomme italien, qui se laisse aimer par elle. Après la mort de Mme d’Houdetot, en 181320, Sommariva se retire à Milan, où il meurt le 19 janvier 1838.
Hervé Collet,
avec des contributions de Gérard Ducoeur,
janvier 2010.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages de base
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Autres références
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Publié sur le site de Valmorency (Association pour la promotion de l’histoire et du patrimoine de la Vallée de Montmorency) : www.valmorency.fr
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1 Cf. notre article « Histoire générale d’Eaubonne »
2 Il abandonne même sa maîtresse, qui en meurt.
3 Il est qualifié à tort d'italien puisqu'il est né à Lyon, même si ses origines sont toscanes.
4 Oeuvres complètes de Voltaire, volume 8, Hachette, 1859, p. 515.
5 Le divorce ne sera autorisé qu’à la Révolution, mais le droit de l’époque prévoit la procédure de séparation de corps et de biens.
6 Procédure qui est l’équivalent aujourd’hui de l’interdiction bancaire.
7 George Sand, cf. Mémoires de ma vie, introduction aux Mémoires de Mme d'Epinay, Paris - G. Charpentier, 1884)
8 Il lui donne un magnifique hôtel à la Chaussée d’Antin, à Paris et aménage pour les sœurs Verrière un théâtre que fréquentera le Tout-Paris.
9 Le maréchal de Saxe avait mis en place à Paris une troupe de théâtre dont les sœurs Rinteau-Verrière faisait partie.
10 Cf. notre article « Jean-Jacques Rousseau et Mme d’Houdetot ».
11 À propos des relations entre Mme d’Epinay et Voltaire, il convient de citer le passage suivant du livre de Charles Avezac-Lavigne, Diderot et la société du Baron d'Holbach : étude sur le XVIIIe siècle, 1713-1789, Paris, Leroux, 1875, p. 34 : « Quoi qu'en ait dit Rousseau dans ses Confessions, madame d'Épinay n'était pas sans charmes. Voltaire, qui la vit plus tard à Genève, ne lui écrivait jamais sans l'appeler ma belle philosophe et sans vanter ses beaux yeux. Rousseau parle d'ailleurs de son teint qui était très blanc. Il existe au musée de Genève un portrait d'elle par Liotard, auquel Voltaire fait allusion dans une lettre à Linant : « Je remercie à deux genoux la philosophe qui met son doigt sur son menton et qui a un petit air penché que lui a fait Liotard. Son âme est aussi belle que ses yeux » (Correspondance générale, 22 février 1760) ».
12 Auguste Rey, dans son ouvrage susnommé, inverse l’ordre des prénoms : François-Joseph. Diderot le prénomme Jean-François (cf. Denis Diderot, Oeuvres complètes de Diderot : revues sur les éditions originales, comprenant ce qui a été publié à diverses époques et les manuscrits inédits, conservés à la Bibliothèque de l'Ermitage, notices, notes, table analytique, Paris, Garnier, Volume 18, 1876, p. 476).
13 Denis Diderot, op.cit, p. 476
14 Répertoire de pharmacie, volume 8, 1852, p. 279.
15 Bourlet (M.), op. cit., p. 55.
16 Bourlet (M.), La Barre, Ormesson, Le Becquet, Thibault de Soisy. Châteaux méconnus de Deuil, CEHD, Deuil, 2003, p. 80.
17 Cette oeuvre est exposée au Musée d’Orsay.
18 Son vrai nom est Aglaé Savatier (1822-1899). Baudelaire lui écrit anonymement des poèmes oniriques pendant cinq ans, à partir de 1852. Ils se rencontrent une seule nuit, le 30 août 1757. C’est la fin du mystère : le poète, ayant passé à l’acte, se désintéressera ensuite de l’être sur lequel il a fixé son rêve. Le Buste de Mme Sabatier (1847) est visible au Louvre.
19 Cf. nos articles « Madame d’Houdetot et le comte de Sommariva » et « Histoire générale de Sannois ».
20 « J'ordonne que mon cœur soit mis à part et porté dans le tombeau ou près le tombeau de mon père et de ma mère, à Epinay ».