Une auberge de légende : le « Cheval Blanc » à Montmorency


L’auberge, devenue hôtel, du Cheval blanc1, donnant sur l’ancienne place du marché (actuelle rue Roger-Levanneur) a contribué à la renommée de Montmorency aux XVIIIe et XIXe siècles. C’est encore aujourd’hui une brasserie très fréquentée, que les propriétaires, M. et Mme Verrecchia, ont reconstituée en 1990, en rachetant l’établissement bancaire qui avait pris une partie de sa surface.

L’histoire de l’établissement et de sa célèbre enseigne ont donné lieu à des récits où la part de légende est devenue prépondérante au fil des temps, accentuée par le lyrisme débordant de Charles Lefeuve, auteur du Tour de la Vallée en 1856 (réédité en 1866). Nous nous proposons de restituer la part de vérité contenue dans des récits souvent embellis et déformés qui nous sont parvenus, sans pour autant altérer le caractère magique de ce lieu mythique.


« Quatre générations » de Leduc2

En 1856, Charles Lefeuve écrit :

« C’est le quatrième Leduc, de père en fils, qui dirige la maison depuis sa fondation, en 1739, du temps du maréchal CharIes-Francois-Frédéric de Montmorency-Luxembourg »3.

La légende ajoute que l’auberge s’est d’abord appelée Fleur de Lis (ou de Lys) et qu’elle a modifié son appellation en Cheval blanc, probablement au moment de la Révolution. Il nous faut rétablir les faits.

Dans un article publié dans le Bulletin de la Société historique de Montmorency4, Josée Geninet a mis en évidence le fait que l’auberge du Cheval blanc a existé en concurrence avec celle de la Fleur de Lis et n’a pas été fondée par un Leduc, mais par la famille Lesguiller, à une date inconnue. Elle n’entre dans la famille Leduc qu’en octobre 1758, lorsque Claude Lesguiller vend cette auberge à sa fille, Madeleine, et à son gendre, Jean-François Leduc, nommé par Lefeuve, Leduc II. Ce dernier, né en 1721, est le fils aîné de Nicolas Leduc (1694-1741), appelé Leduc I, voyer, arpenteur juré du duché-pairie d’Anguien, et aubergiste. Il a épousé Madeleine Lesguiller le 3 mai 1751, après avoir perdu sa première épouse, Geneviève Catherine Pillieux, qui lui a donné cinq enfants. Le 23 novembre 1758, Jean-François agrandit la propriété en achetant un terrain attenant. Le tout forme un bel ensemble :

« Le rez de chaussée sur la place est composé d’une cuisine, d’une vaste salle à gauche et d’une autre à droite avec chambres et grenier au-dessus. Le fournil à côté est surmonté d’une pièce et d’un grenier. Derrière, le cellier est construit. De même, sous la grande porte cochère, un escalier permet de monter aux chambres. Des caves se trouvent sous ces bâtiments. Il y a aussi deux écuries, une grande et une petite, à côté de laquelle on a installé deux cabinets d’aisance, puis un hangar le tout délimité dans une cour spacieuse. Deux jardins sont clos de murs et plantés d’arbres fruitiers avec, contigus, un bûcher et deux autres écuries »5.

L’auberge de la Fleur de Lys, quant à elle, est située en face de celle du Cheval Blanc, donnant par l’arrière sur la rue du Crucifix. Elle est gérée par le frère cadet de Jean-François, Nicolas André Leduc, qui a épousé, le 9 février 1750, la sœur de Madeleine, Marie Lesguiller6. Les deux couples de frères et sœurs sont donc rivaux. Mais à cette époque, sur la place du marché de Montmorency, il y a place pour tout le monde !

Jean François Leduc est, lui aussi, grand voyer du Duché, marguillier en charge. Il décède le 22 septembre 1788, âgé de 67 ans. Charles Lefeuve dit de lui :

« Leduc, deuxième du nom était le grand agent-voyer du prince de Bourbon-Condé, tout en tenant l’auberge, grosse d’avenir, qui comportait alors le four et l’étalage de pâtisserie. Ce second chef de la dynastie portait d’une manière topographiquement invariable le bonnet de coton au nord, c’est-à-dire sur la tête, la culotte de peau au midi. Vieux avant la révolution, il ne vit pas la moindre épée de Damoclès suspendue sur sa coiffe, dont la mèche et dont la couleur n’avaient rien du bonnet phrygien, quand la Bastille s’écroula à Paris »7.

L’écrivain ajoute :

« Bientôt les nobles eurent à se cacher, et ceux qui ne furent pas servir dans l’armée de Condé, prirent des déguisements pour n’être pas justiciables de la révolution. Un des innombrables cochers qui connaissaient le père Leduc eut l’imprudence de prononcer son nom en le rencontrant dans Paris. On le prit aussitôt pour un ci-devant déguisé, pour le duc de Montmorency et on arrêta bel et bien un homme qui avait été l’officier de bouche des encyclopédistes, des philosophes et des déistes, autant que celui de l’ancienne cour. Un calembour involontaire lui valut de la sorte une incarcération momentanée ».

Le problème est que Jean-François Leduc II, né en 1721 est décédé le 22 septembre 1788 et qu’il n’a donc pas pu connaître la Révolution ! Si cet épisode est véridique – il faut tout vérifier avec Lefeuve… – il n’a pu s’appliquer qu’à Nicolas Leduc III. Peut-être est-ce à partir de cet événement que les Le Duc orthographient leur nom Leduc.

Après un temps de « régence » assuré par sa mère, la « veuve Leduc » de Charles Lefeuve, Nicolas Leduc III, né le 22 octobre 1754, reprend les affaires en main. Il est lui-même voyer et a pour épouse Marie-Jeanne Lesquillier, sans doute une cousine, par sa mère. On ne connaît pas la date de sa mort (sans doute avant 1823, cf. ci-après).

Henri Leduc IV lui succède à une date indéterminée et reste à la tête de l’auberge jusqu’à une date comprise entre 1856 et 1866. Charles Lefeuve, en effet, lors de la réédition de son Tour de la vallée, dix ans après la première, signale :

« Maintenant, M. et Mme Henri Leduc exploitent à Paris un fonds de comestibles qui, sous la dénomination d’Hôtel des Américains, est connu de temps immémorial. Leur successeur à Montmorency est M. Garnier, auparavant restaurateur et maître d’hôtel à Paris »8.

Vers la fin du XIXe siècle, Garnier cède l’établissement à M. A. Barré9. On trouvera après lui la famille Godard, puis, en 1990, M. et Mme Philippe Verrecchia.


Un cumul professionnel par nécessité

Les Leduc, sous l’ancien Régime, comme on a pu le constater, cumulent deux professions : celle de voyer et de restaurateur. Quelle que soit l’appellation concrète : voyer, grand voyer ou arpenteur-juré, toute une génération de Le Duc a exercé le métier qui deviendra au XXe siècle celui de géomètre expert.

Sous l'ancien régime français, les arpenteurs-jurés sont des spécialistes de la mesure et du droit du sol. Le serment est fondamental dans une communauté de métier juré, d'où son nom. L'aspirant « passant maîtrise » jure sur les saints évangiles de respecter les statuts et les règlements de la communauté, de garantir la qualité du travail et de s'interdire toute malfaçon ou vente de mauvais produits (dans le cas de l'arpenteur, de ne pas falsifier ses mesures par exemple).

« En 1554, un édit royal crée dans chaque baillage ou sénéchaussée, 6 offices d’arpenteurs dépendant du Grand arpenteur de France. (…) Ces homes sont des officiers royaux et ceux qui ont un office dans une ville possédant une juridiction royale (parlement, élection, baillage, sénéchaussée, grenier à sel) sont aussi notaires. (…) Les revenus provenant de cette profession ne peuvent pas faire vivre une famille sauf si l’étude notariale est importante. Aussi, la plupart des arpenteurs-jurés pratiquent-ils un autre métier, si possible plus lucratif »10.

On est en droit de se demander comment ce cumul a été rendu possible, compte tenu de la charge de travail qui pèse sur l’une et l’autre profession. En fait, il y a tout lieu de penser que pendant longtemps, le restaurant a été tenu, au quotidien, par les membres de la famille de l’aubergiste, ce qui est d’autant plus aisé que les Le Duc, père et fils, ont de nombreux enfants (huit, notamment, pour Jean François Le Duc II). Les femmes, en particulier, ont dû jouer un rôle primordial dans l’intendance courante. La veuve de Jean François Le Duc II, Madeleine Lesguiller, comme on l’a vu, a même assuré ce que Lefeuve appelle un « interrègne » à la mort de son mari, en 1788.

Quand la maison est devenue au XIXe siècle une véritable institution, les deux derniers Leduc semblent s’être consacrés à leur métier de restaurateur, car les récits dont on dispose montrent qu’ils sont toujours là quand le visiteur se présente.


DES ANECDOTES PITTORESQUES


L’écrivain et l’artiste

« Un auteur, bien connu ensuite comme préfet, attendait chez Leduc un artiste distingué de l’Odéon, où il avait fait jouer des pièces, et le rendez-vous était pris pour dîner tout bonnement en tête-à-tête, dans le salon commun.

Une rencontre imprévue fit changer les dispositions à l’improviste, et une partie carrée s’organisa dans une des chambres particulières. Les deux dames invitées n’étaient nullement égales en beauté. Le champagne et la nuit tombante firent le niveau. Celui des deux amphitryons qui avait adressé ses hommages à la plus jolie, commença, sous les riants auspices du Cheval blanc, le roman d’une passion durable : c’était l’artiste. Mais celui que l’occasion avait seule séduit fit dire à l’autre dame, le lendemain matin, par une servante, que sur l’ordre exprès du ministre, il était obligé de rejoindre sur-le-champ son poste de consul à Alep. Huit mois et demi plus tard, notre futur préfet, qui était demeuré bien tranquille à Paris et qui avait oublié tout à fait la bonne fortune de Montmorency, recevait la lettre suivante :

« Monsieur, mes prévisions ne m’avaient point trompée, je suis enceinte, et c’est jouer de malheur que l’être des oeuvres d’un homme qui ne fait que de mauvaises comédies. Dites à ma femme de chambre, qui est chargée de vous remettre la présente, quels noms vous donnerez à l’enfant ».

- C’est ta faute, dit l’auteur à son ami le comédien, qui précisément était là. Tu gardes l’endroit des médailles, et tu me laisses les revers. Vois un peu ce qu’il en résulte.

- Tout au moins, risque l’autre avec timidité, sois honnête homme, et reconnais l’enfant, si la mémoire te rappelle qu’il soit bien de toi.

- Va-t-en au diable, pour le coup, dit l’auteur. Je serais fort en peine de reconnaître même la mère »11.


Rousseau et le « tintamarre » de François Coindet

Jean-Jacques Rousseau, dont la première habitation montmorencéenne, l’Ermitage, donnait sur la place du marché, n’a pas manqué de fréquenter durant son séjour au village, de 1756 à 1762, les auberges voisines, dont le Cheval Blanc. Il n’en parle pourtant pas dans ses Confessions. La seule citation dont nous avons pris connaissance figure dans sa Correspondance. Elle a trait à François Coindet, son correspondant parisien12. Ce dernier vient le voir à Montmorency et passe au Cheval blanc une nuit tapageuse, qui force le philosophe à le réprimander la semaine suivante.

« Ce vendredi (6 février 1761)

« (…) Tout Montmorenci est très scandalisé du tintamarre que vous avez fait au Cheval blanc toute la nuit du dimanche gras. Il eût mieux valu la passer au bal de l'Opéra qu'à poursuivre et tracasser ainsi madame Leduc »13.

Le dimanche gras en question est le 1er février.


Une auberge prise d’assaut par les connaisseurs

« Mais c'est à Montmorency surtout qu'il faut prendre de rigoureuses précautions, si l'on veut être sûr de dîner confortablement. Dans les dimanches de la belle saison, l'auberge du Cheval-Blanc est mise au pillage. On escalade la cuisine, on monte à l'assaut des cabinets, on dévalise la broche et les fourneaux. Les gens sages vont à Montmorency dans la semaine ; ou, s'ils sont forcés d'y dîner le dimanche, ils ont soin dès le matin de dresser leur carte, de faire mettre de côté ce qu'ils ont choisi, de serrer dans leur poche la clef du cabinet qu'ils retiennent ; et lorsqu'ils rentrent de la promenade, de descendre à la cuisine, de faire préparer leur dîner sous leurs yeux, de jeter même habit bas, pour mettre la main à la pâte. C'est le seul moyen de dîner bien au Cheval blanc. L'expérience a rendu cette vérité si palpable, que nombre de promeneurs vont dîner chez le voisin, Au Cheval Noir, bien que la cuisine y soit moins délicate et les vins moins fins, parce que du moins on est sûr d'y être servi »14.

Le record de longévité de la mère Meunier

« En 1838, il est mort une bonne femme, la mère Meunier, âgée de 103 ans et 4 mois, qui comptait 76 années de service dans la maison Leduc, après avoir servi Jean-Jacques. Les plus vieux Parisiens, près d’elle, se croyaient jeunes. Jusqu’au dernier moment, la bonne femme travaillait, ratissait des légumes, assise près de la porte, elle qui avait été la plus alerte fille d’auberge. Les habitués de la maison, tels que MM. Véron et Jouslin de la Salle, n’eussent jamais oublié, il y a quinze ans, de la faire monter au dessert, pour boire un verre de champagne. On a acheté à la mère Meunier, par gratitude, un terrain à perpétuité, auprès de la sépulture de la famille Leduc. Son portrait au crayon reste à sa place dans l’hôtel, et il y a plus d’un vieux dîneur qui, en passant, vient sourire à la centenaire, dont la ressemblance est parfaite. La mère Meunier avait connu l’époque des incroyables, et mis la nappe pour les beaux du Directoire. Elle savait par coeur plus d’une chanson du Caveau, que lui avaient apprise le chevalier Piis et Désaugiers. Elle avait vu passer aussi la turbulente génération de 1830 qui, une fois, avait fait monter un âne avec des cordes, par la croisée, dans le grand salon du premier »15.


« Le fou de Montmorency »

« Un de ces jours de fête, de beau temps et de joie, je me trouvais dans la salle de l'auberge du Cheval-Blanc, enseigne peinte, comme on sait, par Isabey et Gérard, enseigne si précieuse qu'elle est soigneusement gardée dans l'intérieur. Elle a été autrefois exposée au-dessus de la porte, cela suffit pour assurer à toujours la vogue à la maison. C'est ainsi que le souvenir d'une belle action profite toujours à qui en fut l'auteur, et que le linge embaumé entre des couches de wetiver en conserve longtemps le suave parfum. La vaste cuisine de Leduc était pleine de Parisiens en parures et de beaux rayons de soleil qui luisaient sur les casseroles en mouvement. C'était une joyeuse confusion de rires, de bruits d'assiettes, de conversations gaies, de projets de bonheur pour la journée ! Le temps était admirable : pas un nuage au ciel, partant pas un instant d'appréhension d'orage. Les figures étaient radieuses de plaisir et de contentement, quand je vis, au milieu d'elles, apparaître un visage hâve et désolé, un front ridé où étaient épars les quelques cheveux gris que laissait passer un bonnet de coton enfoncé presque jusqu'aux yeux : quel contraste avec les flottantes chevelures noires des jeunes filles encadrant de gais visages rosés. Leurs robes de mousseline blanche frôlaient la redingote grisâtre du vieillard, car c'était un vieillard, courbé, chétif, tremblotant : on se tut devant lui comme devant la misère ou un fantôme. « Avez-vous vu ma femme ? Où est ma femme ? ». Les jeunes gens, les jeunes filles eurent bien de la peine à étouffer un rire. Rire d'un fou ! c'est mal. Les gens de la maison ne lui répondirent point, et après avoir répété sa question et promené un regard navrant sur la foule pétulante, il sortit et alla s'arrêter à la porte voisine. Je n'avais pas eu envie de rire : le bouleversement d'une intelligence est une si grande catastrophe, qu'elle m'est toujours imposante ; et quand les promeneurs eurent pris les rênes de leurs chevaux et de leurs ânes, j'interrogeai un habitant du pays sur la folie de ce vieillard.

- Ah ! le père N..., il est dans cet état depuis huit mois, depuis la mort de sa femme : il demeurait avec elle, ici près sur la place. Là où il l'avait aimée, il l'avait épousée, il l'avait vu mourir... Non pas : il ne l'avait point vu mourir, puisque c'est là toute sa démence. Il ne veut pas croire qu'elle n'existe plus. Elle était en terre depuis huit jours, qu'il causait encore avec elle toute la journée. Il lui allumait du feu. Quand venait la nuit, il lui disait bonsoir, et le matin faisait son café qu'il prenait avec elle. C'était une illusion touchante, mais dangereuse. Il pouvait brûler la maison : son gendre alors l'a retiré chez lui, l'enfermant sous clef la nuit pour qu'il ne s'échappe pas. Mais le jour, il erre sans cesse sur cette place, demandant, à la porte de chaque maison, sa femme. Que quelqu'un lui réponde : « Ne savez-vous pas qu'elle est morte ? », il sourira de pitié comme s'il disait : « pauvre fou ! ».

Un jour qu'il y avait fête à l'église, on lui dit que sa femme y était. Il s'y rendit bien vite : que lui importait l'orgue, que lui faisaient les chants, les parfums de l'encens, les rayons du soleil dans les vitraux ? Il cherchait sa femme, sa compagne, sa meilleure amie. Il furetait dans les chapelles, dans les recoins les plus étroits, il regardait avec angoisse, le touchant insensé ! sous les bancs et les chaises. Il demandait sa femme aux fidèles, et alors ils priaient pour lui. Enfin, quand il eut bien longtemps cherché, il tomba à genoux, s'écria : « Mon Dieu ! Où est ma femme ? ». Ce fut là toute sa prière. « Voyez, me dit mon narrateur, il fait sa tournée et revient ici recommencer sa question : ses pieds sont gonflés, abîmés. Il se traîne avec peine, et il tombera d’épuisement quelque jour.

- Monsieur, monsieur, me dit le père N…, avez-vous vu ma femme ? Où est ma femme ? ».

Sa voix était pénétrante comme un son d’harmonie qui ébranle les nerfs et tire des larmes. Je me tus et il continua sa route d’un pas débile : le ciel était sombre alors à mes yeux, et la vallée triste : il y avait ici un désespéré »16.

UNE AUBERGE FRÉQUENTÉE AU XIXe SIÈCLE PAR LA HAUTE SOCIÉTÉ PARISIENNE ET PAR DES PERSONNAGES PARFOIS EXCENTRIQUES


L’auberge au XIXe siècle

L’auberge, devenue hôtel, a été rénovée probablement sous le « règne » de Henri Leduc IV. Son chantre est Charles Lefeuve qui, s’il est piètre historien, est habile conteur. Il écrit en 1856, en plein second Empire :

« La vieille maison Leduc, au Cheval blanc, à Montmorency, demeure une célébrité grâce au maintien des meilleures traditions et du caractère national. Le luxe de création moderne n’a d’accès chez Leduc qu’à bon escient. Il en prend, il en laisse ».

Le Cheval blanc est devenu un établissement incontournable pour la grande bourgeoisie parisienne. De grands noms l’honorent de leur séjour et Lefeuve s’en donne à cœur joie pour raconter ses « riches heures ».

NB. Vous trouverez à la fin de ce texte une rapide biographie des personnages cités.


« Quels que fussent les gouvernements, la table du Cheval blanc est demeurée le caravansérail du monde entier. Mirabeau et Cambacérès, Rostopdchin et Walter Scott, Ledru-Rollin et Berryer, Fenimore Cooper et le baron Taylor, Gavarni et Alfred de Musset s’y sont assis avec prédilection à des époques qui tiennent l’une à l’autre. Le reste de l’univers connu y est venu dans un incognito plus ou moins transparent ». (…)

L’hôtel, quoique embelli et agrandi, conserve ses anciennes chambres, confidentiellement historiques, ses cabinets particuliers dans lesquels, sans indiscrétion, plus d’un bâtard d’aujourd’hui est chez lui. Mais les mémoires justificatifs n’en seront jamais publiés. On trouve une foule de noms, la plupart inconnus, écrits avec des chatons de diamant sur les vitres et sur les glaces. C’est à ne plus pouvoir se faire la barbe, dans les chambres, sans le secours d’un miroir pendu à la fenêtre. Nous avons remarqué, parmi ces légendes singulières, ces mots qui, après tout, sont bien écrits sous les yeux du public :

Adélaïde et Caussidière, Alexandre Dumas et Isabelle Constant à gorge plate, Louis Blanc et son Adèle, Cico et Schey, etc., avec des dates commémoratives, qui parviendront à la postérité. Un jeune homme, Henri Labattut, qui a trop tôt fini de bien vivre et de vivre, a été une fois surpris, par un garçon, en flagrant délit d’inscription, à l’aide d’un diamant, sur une glace. Il a été forcé de payer le dommage en remplaçant la glace.

Ce nom de feu Labattut rappelle une grande époque du Cheval blanc. Lord Seymour, Roger de Beauvoir, Charles de Boignes, Bertrand, etc., à la fin de la Restauration, faisaient leur rendez-vous de chasse accoutumé de cette hôtellerie privilégiée. Des meutes de jolies femmes s’y abreuvaient de champagne, à défaut de cerf, sous les ordres de piqueurs riches, élégants, infatigables.

Un jeune homme, Gustave Froment, qui lui aussi est mort en cavalier désarçonné, était contemporain de Labattut. Un jour, il demande à la bonne un immense chaudron qu’il remplit d’eau-de-vie et de rhum, et un pain de sucre entier pour faire du punch. Survient le père Leduc, au moment où tout s’enflammait.

- Que faites-vous ? leur dit-il, vous allez brûler ma maison.

- Mettez-la sur la carte, répond Gustave Froment, en continuant ses apprêts homériques ».

………….

« Aussi bien, on ne dresse pas que de petits couverts au Cheval blanc : on y célèbre des noces véritables, tout comme on cache les amours qui s’en passent, et la littérature y vient prendre ses ébats, de même qu’autrefois. Alexandre Dumas, Amédée Achard, Émile Augier, et une illustre tragédienne (NB. Rachel), y ont des habitudes déjà prises. Le dîner politique se produit quelquefois lui-même sur cette scène. M. Lefèvre-Duruflé, étant ministre de l’agriculture et du commerce, y a dîné avec M. Véron et d’autres membres du Corps législatif, gracieusement servis par Pauline. Le prince de Joinville était, sous Louis-Philippe, fréquent dans la maison Leduc, le duc de Montpensier y venait également à cheval. De plus, étant déjà l’arbitre des destinées de la France, mais avant d’être empereur, le prince Louis-Napoléon a honoré Leduc de ses visites réitérées »17.


RAPIDE BIOGRAPHIE DES PERSONNAGES CITÉS


Charles II François Frédéric de Montmorency-Luxembourg (31 décembre 1702 - 18 mai 1764), huitième duc de Piney-Luxembourg et deuxième duc de Montmorency, prince d'Aigremont et de Tingry, comte de Bouteville, de Lassé, de Dangu et de Luxe, pair de France, maréchal de France en 1757 et gouverneur de Normandie en 1726, est fils de Charles Ier Frédéric de Montmorency-Luxembourg et petit-fils du fameux maréchal de Luxembourg. C'est lui qui donne asile à Rousseau au Mont-Louis et au "nouveau château" à Montmorency de 1758 à 1762, après avoir rompu avec Mme d’Epinay.

Pierre Antoine Augustin, chevalier de Piis (17 septembre 1755, Paris – 22 mai 1832, Paris) mène de front une carrière de haut fonctionnaire de police et d’homme de lettres, notamment en tant que chansonnier. Il publie en 1781 Les Deux Porteurs de chaise, comédie en un acte. Il rédige également une épître pour la naissance du dauphin Louis de France (né le 22 octobre 1781). En 1783, il écrit Les Quatre Coins, opéra en un acte avec l’aide de Pierre Yves Barré. Cet opéra est donné devant la cour à Choisy. De Piis est engagé comme secrétaire par le comte d’Artois (futur Charles X). En 1785, il publie L’Harmonie imitative de la langue française, poème en quatre chants. Il rédige de 1783 à 1794 nombre de chansons telles L’Éclipse de la lune (1783) ou d’autres rassemblées dans le recueil Les Étrennes Lyriques paru en 1783 : L’Invocation à l’hiver, L’Amour chapelier, Trente-six chandelles… Son Nouveau Recueil de chansons choisies en 1785, comprend notamment Les Premiers Désirs de Pulchérie et La Résignation épicurienne. Après la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, le chevalier de Piis prend faits et causes pour la Révolution. En janvier 1790, l’édition de ses Étrennes Lyriques, est remplie de patriotisme (Sur le don patriotique des boucles d’argent, L’Éloge du grand jour à un partisan du petit). En 1792, il crée le Théâtre du Vaudeville avec Pierre Yves Barré. Sous la Terreur, il ne doit son salut qu’à sa fuite dans le Midi de la France. Il revient après le 9 thermidor (chute de Robespierre le 27 juillet 1794). La même année il écrit une de ses plus célèbres chansons, La Liberté des nègres. À partir de 1799, il occupe des fonctions administratives importantes : commissaire du premier arrondissement de Paris, puis premier secrétaire général de la préfecture de police de 1800 à 1815. Le comte d’Artois accédant au trône sous le nom de Charles X en 1824 lui restitue sa place d’écuyer, de secrétaire et d’interprète. Il lui est reproché d’avoir traversé, pratiquement sans encombres, une période particulièrement mouvementée de l’histoire, ce qui lui vaut de figurer en bonne place dans le Dictionnaire des girouettes, qui paraît à cette époque. Titulaire de la Légion d’honneur, il se présente trois fois sans succès à l’Académie Française. Il est l’un des fondateurs du Portique républicain, de la société des dîners du Vaudeville et de celle du Caveau moderne, qu’il préside après la mort de Pierre Laujon.

Marc Antoine Madeleine Désaugiers (17 novembre 1772, Fréjus – 9 août 1827, Paris) est également vaudevilliste et chansonnier. Fils du compositeur Marc-Antoine Désaugiers, il écrit à 19 ans le livret d'un opéra-comique à partir du Médecin malgré lui de Molière, sur une musique de son père. Le pastiche est présenté au Théâtre Feydeau. Durant la Révolution, il émigre à Saint-Domingue, où éclate une insurrection des esclaves, et gagne alors les États-Unis. De retour à Paris en 1797, il commence à écrire des vaudevilles. Il en compose plus d'une centaine, souvent en collaboration avec d'autres auteurs, qui sont représentés avec succès à l'Odéon, à la Comédie-Française, au Théâtre des Variétés... Citons L' Hôtel garni, Le Mari intrigué, L' Avis au public, ou encore L' Homme aux précautions. Il est, à deux reprises, nommé directeur du théâtre du Vaudeville, en 1815 et en 1825. Il compose aussi des chansons gaies et spirituelles, peintures des moeurs et des travers des classes sociales, qu'il chante lui-même avec brio. Parmi celles-ci, Le Tableau du jour de l'an, La Halle, Le Palais-Royal, ou encore Les Plaisirs du dimanche. Elles sont réunies avec quelques poésies en trois volumes (1808-1816). En 1808, il entre au Caveau, une académie de chanteurs de l'époque, et en devient président. Il y lance Béranger, son futur rival. Surnommé l'Anacréon français, du nom du poète lyrique grec, Antoine Désaugiers allie, dans une oeuvre légère, humeur joviale et verve gauloise. Sa dernière pirouette est le sonnet de quatre vers rédigé en guise d'épitaphe pour son tombeau, la veille de subir l'opération de la pierre dont il ne se relèvera pas :

Ci-gît, hélas! sous cette pierre,

Un bon vivant mort de la pierre.

Passant, que tu sois Paul ou Pierre,

Ne vas pas lui jeter la pierre.

Louis Désiré Véron (1798-1867), est docteur en médecine en 1823, mais il abandonne en 1828 la pratique médicale, grâce à une fructueuse spéculation sur la pâte Regnauld, pâte balsamique recommandée pour les maux de gorge et les affections des voies respiratoires, qui fait sa fortune. Il fonde la Revue de Paris en avril 1829 et dirige, de main de maître, l'Opéra de Paris, de 1831 à 1835. Il devient co-propriétaire et directeur du Constitutionnel en 1838, dont il sera le seul propriétaire en 1844. Candidat malchanceux à la députation, en 1838, il se fait nommer au Corps Législatif, le 29 février 1852, après le coup d'Etat du 2 décembre 1851. Il est réélu en 1857.

Armand-François Jouslin de la Salle (1794, Vierzon – 1863, Paris) est avocat avant de se lancer dans la littérature. Il publie en 1817 Quelques essais et Établissement d’un ordre civique en France. Il édite ensuite des ouvrages politiques. Il débute sur la scène avec une comédie : Une visite à ma tante (1818). Il devient régisseur général du Théâtre de la Porte-Saint-Martin vers 1830 et deux ans après, directeur du Théâtre-Français. C’est à ce titre qu’il engage Marie Dorval et Rachel (cf. ci-après). Il tire des Souvenirs sur le Théâtre-Français (1833-1837) de ces expériences, ouvrage qui est publié en 1900. Finalement, il prendra en 1838 la direction des Variétés. Parmi ses pièces, on compte Les deux veuves (1821), La famille du charlatan (1824), et Cricri et ses mitrons (1829).

Honoré-Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau, plus communément appelé Mirabeau, né le 9 mars 1749 au Bignon-Mirabeau, mort le 2 avril 1791, a été simultanément ou successivement révolutionnaire, écrivain, diplomate, franc-maçon, journaliste et homme politique. Surnommé l’Orateur du peuple et la Torche de Provence, il reste le premier symbole de l’éloquence parlementaire en France pendant les premiers mois de la Révolution. Il est notamment connu par la phrase apocryphe : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes », résumé d’une harangue adressée à Henri-Evrard de Dreux-Brézé, grand maître des cérémonies, venu apporter l’ordre de dissolution de l’Assemblée constituante signé par le roi Louis XVI. La dégradation de la monarchie provoque son revirement politique, et il devient le plus solide appui du roi. La découverte posthume de ses contacts avec la Cour décide la Convention d'exclure sa dépouille du Panthéon et de la remplacer par celle de Marat. Il a été inhumé anonymement au cimetière de Clamart, où ses restes n’ont pas été retrouvés.

Son Altesse Sérénissime, Monseigneur
Jean-Jacques Régis de Cambacérès (18 octobre 1753, Montpellier – 8 mars 1824, Paris),
duc de Parme,
prince-archichancelier de l'Empire,
grand aigle de la Légion d'honneur,
membre de l'Institut, a d’abord été avocat. Il devient deuxième consul le 1er janvier 1800 aux côtés de Napoléon Bonaparte, après avoir été député de l’Hérault en 1792 à la Convention nationale et membre du conseil des Cinq-Cents en 1795. Il accumule une fortune considérable et sa table est renommée pour ses fastes. Il participe à la renaissance de la franc-maçonnerie française et prend la direction de toutes les obédiences. On lui prête le mot : « En public appelez-moi : “Votre Altesse Sérénissime ». En privé, “Monseigneur” suffira ». Ayant perdu son titre de duc de Parme après les Cent-Jours, il prend celui de duc de Cambacérès, titre qui sera confirmé à sa famille en 1857 sous le Second Empire. À la fin de sa vie, il s’adonne à la piété. Il est enterré au Père-Lachaise.

Feodor Vasilievich, comte Rostopchin(e) (23 mars 1763 - 30 janvier 1826), lieutenant-général d'infanterie russe, descend d'une ancienne famille russe. Entré de bonne heure dans la carrière des armes, il est lieutenant à 21 ans dans la garde impériale. Il est chargé du gouvernement de Moscou, lorsque les Français paraissent sous ses murs en 1812. Il donne l’ordre d’incendier la capitale tsariste, ce qui pousse l’armée napoléonienne à une retraite désastreuse. En 1817, il vient à Paris, où il se fait remarquer par la finesse et l'originalité de son esprit.

Le comte Rostopchin(e) meurt à Saint-Petersbourg le 30 janvier 1826, en laissant un fils qui se distinguera dans la carrière militaire et une fille, Sophie, qui épousera Eugène de Ségur, le petit-fils du maréchal, comte de Ségur (la fameuse Comtesse de Ségur).

Sir Walter Scott, 1er baronnet d'Abbotsford (15 août 1771 à Edimbourg – 21 septembre 1832 à Abbotsford) est un poète et écrivain écossais. Avocat de formation, antiquaire par goût, il parcourt l’Ecosse  à la recherche de son passé. Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècles, il se lance dans la littérature, publiant des textes anciens (Sir Tristrem) ou appartenant à la tradition populaire (dans Les Chants de ménestrels de la frontière écossaise) autant que des poèmes de son cru, comme La Dame du lac. Puis, devant la gloire montante de Lord Byron, il se tourne vers le roman écossais, marqué par le succès de Waverly, avant d'évoluer vers le roman historique, où il brille notamment avec Ivanhoé et Quentin Durward.

L'un des plus célèbres auteurs écossais avec David Hume de Godscroft, David Hume, Adam Smith, Robert Burns ou Robert Louis Stevenson, il est traditionnellement surnommé le Magicien du Nord (Wizard of the North). Il est également, avec Wordsworth, Coleridge, Byron, Shelley ou Keats, l'une des plus illustres figures du romantisme britannique. Père du roman historique, il a contribué à forger une image romantique de l’Ecosse et de son histoire. C’est à lui, notamment, que l'on doit le retour de l'usage du tartan et du kilt, dont le port a été interdit par une loi du Parlement en 1764.

Alexandre Auguste Ledru-Rollin (2 février 1807, Paris - 31 décembre 1874, Fontenay-aux-Roses) est avocat et homme politique. En juin 1843, il fonde le journal La Réforme, qui devient l'organe de ceux qui soutiennent un programme républicain et radical. En 1848, il est l'un des chefs de file de la « campagne des banquets ». Seconde figure du gouvernement provisoire, il fait adopter par décret le suffrage universel français. Il est le candidat des républicains radicaux à l'élection de la présidence de la République et se classe en troisième position derrière Louis-Napoléon Bonaparte, avec environ 5 % des suffrages. En mai 1849, il est élu député à l’Assemblée législative, où il est le chef d'un groupe de plus de 200 députés, la Montagne. Suite à un essai de soulèvement contre le gouvernement d’Odilon Barrot le mois suivant, il est déchu de son mandat de représentant, mais parvient à s’enfuir en Angleterre. Il ne rentre en France qu’en 1871, après la proclamation de la Troisième République et, bien que réélu député en 1871 et 1874, il n’exerce plus aucune influence.

Pierre Antoine Berryer naît à Paris, le 4 janvier 1790. 
Grand avocat et grand parlementaire, il est le défenseur du maréchal Ney, de Debelle, Cambronne, Canuel, Donnadieu, de Chateaubriand en 1834, de Lamennais en 1826. Il prononce de nombreux plaidoyers et collabore à divers journaux. Traduit devant la Cour d'assises de Blois en 1832, après l’échauffourée de la duchesse de Berry, il est acquitté. Il défend Louis-Napoléon Bonaparte devant la Chambre des pairs, après la tentative de Boulogne. Il est député royaliste libéral pendant dix-huit ans. 
Élu à l'Académie le 12 février 1852, en remplacement du comte de Saint-Priest, il est le candidat des royalistes et soutenu par la duchesse de Dino. Il est reçu le 22 février 1855 par le comte de Salvandy. Il s'abstient de rendre à Napoléon III la visite d'usage, en prétextant qu'il serait peut-être désagréable à l'empereur de se retrouver en face de son ancien avocat. 
Il meurt le 29 novembre 1868.

James Fenimore Cooper (15 septembre 1789, Burlington (New Jersey) – 1851, Copperstone dans l’État de New York) parfois surnommé le « Walter Scott américain ». Une partie de son œuvre est fondée sur les récits des Indiens du Nord. Ses romans ont pour cadre les territoires que son père (qui a été juge et membre du Congrès) a colonisés. Il décrit dans la série Leatherstocking (Bas de cuir) les luttes franco-britanniques en Amérique du Nord au XVIIIe siècle. Le héros, Natty Bumper (dit Bas de cuir ou Œil de faucon), qui a été recueilli enfant par les Indiens, représente l'homme des frontières. La série Bas de cuir est composée de cinq romans, dont Le Dernier des Mohicans, La Prairie et Le Tueur de daims.

Isidore Justin Séverin Taylor, dit le Baron Taylor, naît le 5 août 1789 à Bruxelles en Belgique. Destiné à la carrière militaire, il prépare l’école Polytechnique, mais il abandonne assez rapidement ses études. Il voyage beaucoup en Europe et surtout en France. Conjointement avec Charles Nodier, il écrit une série d’ouvrages sur les différentes régions de France, qui porte globalement le titre de Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, qui forme un premier catalogue détaillé sérieux des richesses de notre patrimoine.

On lui doit également de nombreuses pièces de théâtre et de nombreuses traductions de pièces étrangères dans les années 1820. Taylor écrit également dans les journaux et les revues de critique d’Art. De 1825 à 1830 et de 1831 à 1838, il est nommé Commissaire Royal au Théâtre-Français.
Le roi Charles X le fera baron à l’occasion de son sacre. Romantique convaincu, il prend fait et cause pour le mouvement conduit par les Gilets rouges. Il prend une part active à la campagne dite hugolâtre, et profite de ses hautes fonctions pour mettre Hernani à la scène, ainsi que Henri III et sa cour d’Alexandre Dumas.

En 1828 le baron Taylor propose l’acquisition de l’obélisque de Louxor et l’année suivante, en 1829, le fait transporter place de la Concorde à Paris. Ensuite, il est nommé Inspecteur Général des Beaux-Arts. Louis Philippe le charge en 1835 d’acquérir des tableaux en Espagne pour permettre l’ouverture de la Galerie espagnole du Musée du Louvre en 1838. Il est l’un des fondateurs de la Société des Gens de Lettres, et une fondation, descendante directe de ces associations qui porte son nom de nos jours. Il devient membre de l’Institut de France et sénateur en 1867. En 1877, il est fait grand officier dans l’ordre de la Légion d’Honneur. Il décède le 6 septembre 1879 à Paris.

Sulpice Guillaume Chevalier, dit Paul Gavarni, né à Paris, le 13 janvier 1804 et mort le 24 novembre 1866, est aquarelliste et dessinateur. L’idée de son pseudonyme lui vient d’un séjour dans les Pyrénées, à proximité du cirque portant ce nom, à une voyelle près. Son œuvre la plus connue est un recueil de gravures nommé « Les débardeurs » (1848). Le débardeur, à cette époque, est un personnage typique du Carnaval de Paris. Ce terme désigne une femme ou une jeune fille, voire un travesti vêtu(e) d’un pantalon, de préférence très moulant. Signalons que du temps de Gavarni, une femme voulant sortir en public en pantalon, en dehors de la période du Carnaval, a besoin d'une autorisation spéciale délivrée par la police.

Alfred de Musset naît le 11 décembre 1810 à Paris dans un milieu aisé et cultivé. Doué de grandes facilités, il mène une adolescence dissipée de dandy, en compagnie notamment d’Alfred Tattey, fils du propriétaire du château de Bury (à Margency). Il entreprend des études de droit et de médecine, qu’il ne termine pas, et fréquente, dès 1828, le Cénacle romantique chez Hugo et chez Nodier, où il rencontre notamment Vigny, Mérimée et Sainte-Beuve.

Précoce, brillant, célébré, il publie son premier recueil de vers, Contes d’Espagne et d’Italie (1829), à l’âge de dix-neuf ans et remporta un succès immédiat. Malgré cette gloire précoce, il connaît une infortune relative avec ses pièces de théâtre, telles la Quittance du diable, qui ne peut être représentée, et la Nuit vénitienne (1830), qui est un échec retentissant. La mort de son père en 1832 l’amène à se consacrer entièrement à la littérature et à en faire son métier.

En 1833, Musset rencontre celle qui sera le grand amour de sa vie, la romancière George Sand, de sept ans son aînée. Tumultueuse, orageuse, leur relation s’interrompt momentanément en 1834, lorsque George Sand entame une nouvelle liaison avec le docteur Pagello, qui soigne Musset lors de leur voyage en Italie. En 1835, après plusieurs ruptures violentes, cette passion prend définitivement fin, laissant à Musset la douleur d’un échec sentimental cuisant.

À la fin de l’année 1834, il enrichit son théâtre d’un chef-d’œuvre, le drame historique Lorenzaccio, puis du Chandelier, l’année suivante. En 1838, il est nommé conservateur d’une bibliothèque ministérielle, ce qui lui permet de mener une vie tout à fait décente quoique moins brillante qu’à ses débuts. La perte de son emploi, en 1848, sans le réduire à la misère, le conduit à écrire des œuvres de commande. En 1852, il est élu à l’Académie française alors que le public s’est détourné de lui, que son théâtre commence timidement à être représenté et qu’il n’écrit pratiquement plus. Il meurt à Paris le 2 mai 1857.

Musset, qui a fréquenté la région pendant sa jeunesse (notamment Bury, à Margency18), fait allusion au Cheval Blanc dans son conte Frédéric et Bernerette : « Pendant que le dîner se préparera, nous ferons un tour dans le bois. Qu'en pensez-vous ? Cela vaudra bien les antiques perdreaux du Cheval-Blanc »19.

Adélaïde Bettrette, couturière, joue un rôle notable lors de l’insurrection des 22-24 février 1848 à Paris. Elle distribue des armes aux hommes de son quartier, qu'elle appelle à édifier et défendre des barricades. Elle est brûlée au visage en fabriquant de la poudre à fusil.

Marc Caussidière naît à Genève en 1808 et meurt à Paris en 1861. C'est une personnalité du mouvement républicain français de la première moitié du XIXe siècle. Employé à Saint-Étienne, il prend part à l'insurrection lyonnaise de 1834 (où son frère trouve la mort). Condamné à 20 ans de détention, il est amnistié en 1837. Devenu courtier en vins, il diffuse également lors de ses déplacements le journal progressiste La Réforme.

Pendant la révolution de février 1848, il combat sur les barricades, s'empare de la préfecture de police et est nommé préfet de police par le gouvernement provisoire. Il remplace les sergents de ville par les gardiens de Paris et crée le corps de la "Garde du Peuple", composé de tous les révolutionnaires récemment libérés. Cette garde comprend quatre compagnies (La Montagnarde, Saint-Just, de février et Morisset). Début mai 1848, la Commission exécutive tente vainement de l'éliminer de la préfecture de police. Après l'échec de la manifestation républicaine du 15 mai 1848, il est démis de ses fonctions de préfet de police par la Commission exécutive. Il démissionne de son mandat de député à l'Assemblée constituante. Aux élections complémentaires du début juin, il est réélu mais après l'échec sanglant des journées de Juin 1848, il doit s'enfuir, se réfugie en Angleterre puis aux États-Unis où il reprend ses activités de courtier en vins. Condamné par contumace à la déportation par la Haute cour de justice de Bourges pour sa participation à la manifestation du 15 mai 1848, il revient en France après l'amnistie de 1859.

Alexandre Dumas (24 juillet 1802, Villers-Cotterêts – 5 décembre 1870, Puys, près de Dieppe) est le fils de Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie, dit le général Dumas, et le père d’Alexandre Dumas fils (1824-1895), auteur en particulier de La Dame aux camélias. En 1822, Dumas se rend Paris pour échapper à la pauvreté. Il trouve une place de clerc de notaire et découvre la Comédie-Française. Il fait alors la connaissance de Talma. L'année suivante, il travaille dans les bureaux du secrétariat du duc d’Orléans et peut enfin faire venir sa mère à Paris.

Dumas devient vite un auteur à succès. Il est d’autant plus prolifique qu’il travaille notoirement avec des collaborateurs, que l’on appellerait aujourd’hui des « nègres »20. La liste de ses publications est impressionnante : plus de 130 titres, mêlant tous les genres. En 1846, il fait construire son propre théâtre à Paris, boulevard du Temple, qu'il baptise « Théâtre historique ». En 1848, il est candidat malheureux aux élections législatives qui suivent la révolution. Il soutient ensuite Louis Eugène Cavaignac contre Louis Napoléon Bonaparte. En 1851, poursuivi par plus de 150 créanciers, Dumas doit s'exiler un temps en Belgique. Mais il n’abandonne pas pour autant sa production littéraire. Fin gourmet, il est même l’auteur d’un Grand dictionnaire de la cuisine.

En septembre 1870, après un accident vasculaire qui le laisse à demi paralysé, Dumas s'installe dans la villa de son fils à Puys, quartier balnéaire de Dieppe, où il décède peu après. Sa dépouille est transférée au Panthéon le 30 novembre 2002, à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.

L’actrice Isabelle Constant (1834-1900) devient en 1850, à 16 ans, la maîtresse d’Alexandre Dumas (1802-1870). L’écrivain l’appellera dans ses vieux jours « sa chère fille » parce qu'il l'a connue très jeune et que l'affection qu'il a pour elle finira par être toute paternelle.

Louis Blanc (29 octobre 1811, Madrid – 6 décembre 1882, Cannes), journaliste, historien et homme politique, naît d'un père qui travaille dans les finances pour le roi Joseph Bonaparte. Il occupe un poste de journaliste à Paris et fonde le journal socialiste La Revue du progrès (1839). Ses aspirations politiques le poussent à publier la même année L'Organisation du travail, ouvrage dans lequel il définit sa vision de l'organisation sociale. Il rédige un ouvrage historique contre la monarchie de Juillet, Histoire de dix ans (1841). Quelques années plus tard, il complète son oeuvre par l’Histoire de la Révolution française. Sa position en faveur de la classe ouvrière lui permet d'intégrer le gouvernement provisoire de 1848. Il prône le droit du travail pour chacun et définit l'importance du rôle de l'État dans cette entreprise. Les événements de juin, liés à l'échec de l'établissement des Ateliers nationaux, le contraignent à quitter la France pour le Royaume-Uni jusqu'en 1870. Il termine sa vie en tant que membre de l'Assemblée nationale, où il siège une dizaine d'années à l’extrême gauche.

NB. L’Adèle que Charles Lefeuve accole au nom de Louis Blanc peut être soit Adèle Hugo, l’épouse ou la fille du poète, avec lequel Louis Blanc est lié, soit Adèle Esquiros née Adèle-Julie Battanchon (12 décembre 1819 à Paris - 22 décembre 1886 à Paris), femme de lettres et journaliste féministe.

Marie Cico, née à Paris en 1843 et morte à Neuilly-sur-Seine le 11 septembre 1875, est comédienne et chanteuse. Elle débute enfant au Palais-Royal, puis est remarquée par Jacques Offenbach, qui l'engage aux Bouffes-Parisiens, où elle crée entre autres les rôles de Minerve dans Orphée aux Enfers (1858), Lahire et Clé-de-Sol dans Geneviève de Brabant (1859) et Calisto dans Daphnis et Chloé (1860), et en fait sa maîtresse (liaison qui durera jusqu'en 1865). Ayant parallèlement remporté les premiers prix de chant et d'opéra-comique du Conservatoire, elle entre à l’Opéra-Comique en 1861. Elle y crée le rôle-titre de Lalla-Roukh (1862) de Félicien David, Le Voyage en Chine (1865) de François Bazin, Robinson Crusoé (1867) et Vert-Vert (1869) d'Offenbach. En 1874, celui-ci l'engage à la Gaîté, dont il vient de prendre la direction pour être Eurydice dans la nouvelle version d’Orphée aux Enfers. Mais, épuisée, elle doit abandonner son rôle à Anna Dartaux et meurt peu de temps après.

Joseph Schey (1824-1876) est un comique excentrique qui, dans sa jeunesse, s’exerce d’abord dans la tragédie, sous le pseudonyme de Joseph. Il fait alors partie de la troupe de Rachel avec Noailles, et se charge des rôles de confidents, mais sans grand succès. Il se fait surtout connaître comme comédien au Vaudeville et à la Porte-Saint-Martin, où il rencontre un succès très vif dans les Chevaliers du brouillard. À l'Ambigu, il débute dans Martyre du cœur. Puis il revient à la Porte-Saint-Martin.

Charles de La Battut ou de Labattut (1806 - 1835), est davantage connu sous le sobriquet de Milord Arsouille (ou l’Arsouille). Un héritage le rend subitement riche. Même s'il fréquente des jeunes gens élégants, Milord Arsouille ne rompt pas avec ses relations crapuleuses et son éducation de voyou : il parle argot et fréquente des milieux interlopes. Ses manières sont voyantes : chapeau penché outrageusement sur l'oreille, gilets écarlates, cravates de couleur et petite moustache rouge. Le début de ses excentricités grandioses date de 1832 : au bal des Variétés, il danse le cancan et le chahut. De 1832 à 1835, pendant quatre carnavals, Charles de La Battut monte un équipage de masques hurlants qui ne sont pas la moins originale des attractions parisiennes d'alors. Entouré de quelques amis déguisés, il traverse la ville sur un terrible et multicolore char à bancs de six chevaux conduit par des postillons enrubannés, accompagné de trois piqueurs à cheval sonnant des fanfares. Ses excentricités, qui trouvent leur apogée le jour du Mardi-Gras, sont attribuées par le peuple parisien à Lord Seymour, malgré les démentis véhéments du dandy anglais.

La Battut, malade et ruiné, quitte Paris en 1835 pour le Midi et Naples où il meurt découragé et inconnu.

Lord Henry Seymour et Montrond (1805-1859) est le fils naturel du comte Casimir de Mouret et Montrond, un proche de Talleyrand, et de Lady Yarmouth. Ce dandy anglais, qui n’a jamais mis les pieds outre-Manche, d'après la légende, est un personnage important de la scène parisienne, car c’est lui qui introduit le sport dans les cercles élégants de la capitale française. Propriétaire d’une importante écurie de courses, il fonde le Jockey Club, dont il devient le premier président (1835-1836). Il fonde également une école d’armes dans son hôtel parisien. Il est souvent confondu avec Charles de Labattut, dit Milord l’Arsouille, dont les mœurs lui ressemblent pourtant peu (le grave anglais claquera la porte du Jockey-Club parce qu'on s'y amuse trop !). Lord Seymour ne sera suivi à sa dernière demeure que par huit personnes, dont son demi-frère aîné, Lord Hertford, en cravate noire. Il est enterré au Père-Lachaise.

Eugène Augustin Édouard Roger de Bully, dit Roger de Beauvoir, né le 28 novembre 1806 à Paris où il meurt le 30 octobre 1866, est romancier, journaliste et auteur dramatique. Ami d’Alexandre Dumas et de Barbey d’Aurevilly, ce célèbre dandy et terrible duelliste, surnommé le « Musset brun », explore tous les genres : poésie, théâtre et romans feuilletons. C’est avec ses derniers qu’il rencontre le succès, en publiant notamment Le Chevalier de Saint-George, le plus célèbre de tous. Le 7 janvier 1844, il épouse Léocadie Doze, comédienne connue pour sa grande beauté, qui lui donne trois enfants et dont il divorce en 1850.

Pierre Charles Le Borgne, baron de Boigne (1808-1896) est journaliste et écrivain, chargé de la revue parisienne du Constitutionnel. Neveu du célèbre général comte de Boigne (1741-1830), l'un des fondateurs du Jockey Club, il fait paraître en 1843 une étude sur l'élevage des chevaux : Du cheval en France. Il intente un procès à Scribe, prétendant que la pièce de ce dernier, Mon étoile, est une reproduction d'un de ses feuilletons, mais il se voit débouté et condamné aux dépens, le 2 juin 1854. Il publie en 1857 Petits mémoires de l’Opéra. Administrateur de compagnies de chemins de fer, il écrit en 1860 Les chemins de fer étrangers devant la loi française.

Paul Gustave Froment, né à Paris le 3 mars 1815 et mort en 1865, est inventeur et mécanicien. Ancien élève de l’Ecole polytechnique, il est un des ingénieurs-constructeurs du début de la société industrielle qui se vouent à créer les machines et les appareils dont les savants ont besoin pour faire avancer les sciences et les techniques. Il travaille, entre autres, sur le télégraphe à signaux écrits et à clavier, le métier à tisser, l'appareil d'imprimerie Hughes, et des moteurs électriques divers, dont le premier moteur à mouvement alternatif.

Arthur Bertrand (17 janvier 1817, Sainte-Hélène (Italie) - 1871) est le quatrième enfant du général comte Henri Gratien Bertrand, qui a accompagné Napoléon à Sainte-Hélène, où il a écrit, sous la dictée de l’empereur le récit des opérations de la Campagne d’Egypte. C'est lui dont sa mère dit, en le montrant à Napoléon : « Sire, j'ai l'honneur de vous présenter le premier Français qui soit entré à Longwood sans la permission du gouverneur ». Devenu lui-même officier, il accompagne en 1840 son père sur la frégate la Belle-Poule, que commande le prince de Joinville (cf. ci-après), et qui appareille pour Sainte-Hélène dans le but de ramener les cendres de Napoléon. Il en tire un livre : Lettres sur l’expédition de Sainte-Hélène. Dissipé, joueur et frivole, il devient en 1847 l’amant de la tragédienne Rachel, dont il a un fils, Gabriel, qu’il ne reconnaîtra pas.

Louis Amédée Eugène Achard (22 avril 1814, Marseille – 1875, Paris) est journaliste, romancier et dramaturge. Il écrit une trentaine de pièces de théâtre et une quarantaine de romans, dont une grande partie « de cape et d’épée », dont il popularise l’expression (lancée par Ponson du Terrail). Un de ses livres porte d’ailleurs ce nom (1875). Il est inhumé au Père-Lachaise.

Guillaume Victor Émile Augier (17 septembre 1820, Valence - 25 octobre 1889, Croissy-sur-Seine), est poète et dramaturge. En 1844, son drame La Ciguë, refusé par la Comédie-Française connaît un énorme succès à l’Odéon. Il est auteur d’une trentaine de comédies, dont les titres sont oubliés aujourd’hui. Il est élu à l’Académie Française en 1857.

Elisabeth Rachel Félix, plus connue sous le seul prénom de Rachel ou comme Mademoiselle Rachel (21 février 1821, Argovie (Suisse) – 3 janvier 1858, Le Cannet) est une tragédienne qui a marqué le théâtre de son époque. Née d’une famille de colporteurs juifs, elle doit très vite subvenir à ses besoins en chantant dans les rues. Elle prend des cours de déclamation et débute sur la scène du Gymnase le 24 juillet 1837, dans la Vendéenne, une pièce de Paul Duport qui n’a aucune audience. Mais, auditionnée en mars 1838, elle entre au Théâtre-Français à l'âge de 17 ans. Son succès est immédiat. Elle débute dans le rôle de Camille dans la pièce de Corneille, Horace. Son interprétation des héroïnes des tragédies de Corneille, Racine et Voltaire la rendent célèbre et adulée, et remet à la mode la tragédie classique, face au drame romantique. Sa santé délicate l’amène à Montmorency, rue de la Châtaigneraie, pour une cure de repos et d’air pur. Elle décède de tuberculose en 1858 et est inhumée au Père-Lachaise.

Noël, Jacques Lefebvre, qui deviendra Lefebvre-Duruflé après son mariage (19 février 1792, Pont-Audemer - 3 novembre 1877, Pont-d’Authou), est député bonapartiste de l’Eure du 13 mai 1849 au 2 décembre 1851. Nommé ministre de l'Agriculture et du Commerce le 23 novembre 1851, quelques jours avant le coup d'Etat auquel il ne participe pas, il est maintenu à son poste jusqu'au 25 janvier 1852, date à laquelle il devient ministre des Travaux publics, jusqu'au 28 juillet. Il est ensuite nommé sénateur jusqu’au 1er janvier 1870. Il est promu, le 14 août 1862, grand-officier de la Légion d'honneur. La révolution du 4 septembre 1870 le rend à la vie privée, lorsque des opérations financières irrégulières l'amènent, comme administrateur de la Société industrielle, devant la police correctionnelle. Lefebvre-Duruflé, poursuivi pour escroquerie, est déclaré coupable d'infraction à la loi sur les sociétés et condamné le 2 décembre 1873, à 10 000 francs d'amende. Cette condamnation entraîne, en décembre 1874, sa radiation de la liste des membres de la Légion d'honneur.

François Ferdinand d’Orléans, prince de Joinville, est le troisième fils (sur cinq) et le sixième des huit enfants du roi Louis-Philippe (1773-1850), roi des Français et de Marie-Amélie de Bourbon, princesse des Deux-Siciles Bourbon (1782-1866), princesse des Deux-Siciles. En 1843, il épouse Dona Francisca De Bragança (1824-1898), princesse du Brésil et du Portugal, fille de l'empereur Pierre 1er du Brésil (également roi du Portugal comme Pierre IV). Lors du mariage, le territoire où se trouve la ville brésilienne de Joinville, constitue une partie de la dot de la princesse. François d’Orléans mène une carrière militaire dans la marine, qui le mène jusqu’au poste de chef d'état-major de la division navale. En 1840, il participe au transfert en France des restes mortels de Napoléon 1er. Exilé avec sa famille en 1848, le prince participe aux côtés de ses neveux, le comte de Paris et le duc de Chartres, à la guerre de Sécession dans les rangs nordistes. Revenu en France pendant la guerre de 1870, le prince combat clandestinement les armées prussiennes. Aux élections de 1871, il devient député de la Manche et de la Haute-Marne. Réintégré dans son grade, il est à nouveau exclu de la Marine par la loi d’exil de 1886. Il meurt à Neuilly, le 6 juin 1900.

Le prince Antoine Marie d’Orléans, duc de Montpensier, infant d'Espagne (31 juillet 1824, Neuilly-sur-Seine – 4 février 1890, Sanlúcar de Barrameda en Espagne), frère du précédent, est le dernier enfant de Louis-Philippe. Il épouse le 10 octobre 1846, l’infante espagnole Louise-Fernande de Bourbon (1832-1897), fille du roi Ferdinand VII d’Espagne (1784-1833) et de sa quatrième épouse, Marie-Christine de Bourbon, princesse des Deux-Siciles. Ils auront neuf enfants, dont six seulement atteindront l’âge adulte.

La vie de ce prince est tumultueuse. Il mène d’abord une carrière militaire, sous le règne de son père, puis s’exile en Angleterre et en Espagne, après le renversement de Louis-Philippe par la révolution de 1848. Le 7 juillet 1868 commence la révolution espagnole du général Juan Prim y Prats. Le nouveau gouvernement de Gonzalez Bravo demande au duc de Montpensier et à sa famille de quitter l’Espagne. Le prince s’exécute le 16 juillet suivant et s’installe pour un an au Portugal. En 1875, un an après l'avènement de son neveu Alphonse XII au trône d’Espagne, il obtient l’autorisation de rentrer dans son pays d’adoption. Il meurt d’apoplexie en 1890.


Hervé Collet,

juin 2010.


Bibliographie

- Geninet (J.), Arpenteurs sous l’ancien régime : la famille Leduc de Montmorency, in Bulletin de la Société d’histoire de Montmorency et de sa région, n° 15, 1997, pp. 18-21. 

- Hervo (S.), « Une auberge célèbre à Montmorency », in Bulletin de la Société d’histoire de Montmorency et de sa région, n° 7, 1988, pp. 25-26.

- Lefeuve (C.), Le Tour de la Vallée, Paris, Dumoulin, 1866. Réédité sous le titre « Histoire de la Vallée de Montmorency », par le Cercle historique et archéologique d’Eaubonne et de la vallée de Montmorency, Eaubonne, 1975, pp. 46-48.

Les biographies sont tirées de Wikipedia, de la Biographie universelle ancienne et moderne de Michaud, ou de textes du XIXe siècle.


1 L’orthographe habituelle aux XVIIIe et XIXe siècles est le Cheval-Blanc, avec un tiret.

2 Le nom de famille est souvent orthographié Le Duc au XVIIIe siècle et au début du XXe.

3 Charles Lefeuve, Le Tour de la Vallée, Paris, Dumoulin, 1866. Réédité sous le titre « Histoire de la Vallée de Montmorency », par le Cercle historique et archéologique d’Eaubonne et de la vallée de Montmorency, Eaubonne, 1975, p. .

4 Josée Geninet, Arpenteurs sous l’ancien régime : la famille Leduc de Montmorency, in Bulletin de la Société d’histoire de Montmorency et de sa région, n° 15, 1997, pp. 18-21. 

5 Josée Geninet, op. cit., p. 21.

6 C’est cette auberge de la Fleur de Lis, qui est fondée en 1739 par Nicolas Le Duc. Cf. l’acte notarié du 5 janvier 1739 passé devant maître Eustache Paquerost, cité par Simone Hervo, « Une auberge célèbre à Montmorency », in Bulletin de la Société d’histoire de Montmorency et de sa région, n° 7, 1988, p. 25 : « … le dit acquéreur souhaiterez que à ce dit Anguien, face à la place du Marché on pend pour enseigne « La fleur de Lis ». Dans cet article, Simone Hervo laisse ensuite entendre, à tort, que cette auberge a changé son nom, probablement à la Révolution, en prenant la dénomination de Cheval blanc.

7 Charles Lefeuve, Le Tour de la Vallée, Paris, Dumoulin, édition de 1866. Réédité sous le titre « Histoire de la Vallée de Montmorency », par le Cercle historique et archéologique d’Eaubonne et de la vallée de Montmorency, Eaubonne, 1975, p. 47.

8 Idem.

9 Barré est cité en 1894, dans Jardins de France, revue de la Société nationale d'horticulture de France, comme « restaurateur au Cheval Blanc, Montmorency ». Il reçoit un prix pour son jardin.

10 Josée Geninet, op. cit., p. 21.

11 Charles Lefeuve, op. cit. (édit. 1866), p. 48.

12 François Coindet (1734-1809), employé de banque originaire de Genève, ancien secrétaire de Necker, débute à Paris en 1754 comme caissier de la banque Thélusson-Necker. Il fait connaissance de Rousseau peu de temps avant son installation à l’Ermitage en 1756. Il lui voue une fervente amitié, qui se traduira par un intense échange de correspondance totalisant, entre 1756 et 1768, 71 lettres pour Coindet et 98 pour Rousseau. Coindet deviendra le plus dévoué factotum du philosophe.

13 R. A. Leigh, Correspondance complète de Jean Jacques Rousseau : édition critique, vol. 8, Institut et musée Voltaire, 1998, P. 63.

14 A. B. de Périgord, Nouvel Almanach des Gourmands, Baudouin, 1825, p. 222.

15 Ch. Lefeuve, op. cit., p. 48.

16 Ernest Fouinet, Le fou de Montmorency, in Le journal des demoiselles, vol. 13, 1834, p. 183.

17 C. Lefeuve, op. cit., p. 48.

18 Cf. notre article « Alfred de Musset, un dandy à Margency ».

19 Alfred de Vigny, Frédéric et Bernerette, in Revue des deux mondes, vol. 1, 1838, p. 253.

20 Il entre notamment en conflit judiciaire avec un auteur valmorencéen, Raoul Gaillardet, du Plessis-Bouchard, à propos de la paternité de la pièce La Tour de Nesles (procès gagné par Gaillardet).